Le 8 juin 2013
- Scénariste : Roger Seiter
- Dessinateur : Wagner, Vincent
- Genre : Aventure, Policier
- Famille : BD Franco-belge
- Editeur : EMMANUEL PROUST ÉDITIONS
Tu pensais rester sur ta faim ami lecteur et ne jamais rien connaître de Roger Seiter d’autre que ces scenarii ? C’était sans compter l’opiniâtreté de Bédéo et le confort de ce salon.
Bonjour Roger !
1. Wilkie Collins est connu pour ses « romans à sensation » tels qu’ils étaient qualifiés à l’époque, un genre précurseur du roman policier et du roman à suspense, comment l’avez vous découvert ?
J’ai toujours été un passionné d’intrigues policières et j’ai commencé à travailler sur l’univers victorien à la fin des années 90 avec la série « FOG » chez Casterman. Mon souci à l’époque était surtout de reconstituer l’ambiance la plus crédible et la plus documentée possible.
Etant historien, j’avais bien sûr quelques notions du fonctionnement de cette société, mais je ressentais le besoin de me replonger dans les auteurs anglo-saxons contemporains de l’époque à laquelle se déroulait l’histoire. Je voulais m’imprégner des dialogues et bien comprendre les relations entre les différentes classes sociales. J’ai donc relu Dickens, Jane Austen, W. M. Thackeray et bien d’autres. Et parmi ces auteurs, l’extraordinaire Wilkie Collins dont j’ai dévoré une dizaine d’œuvres. (« La femme en Blanc », « La Pierre de Lune », « Seule contre la Loi », etc …)
Comment définiriez-vous le style de cet album justement ?
« Venise Hantée » est la très libre adaptation d’un roman de Wilkie Collins dont le titre est « L’Hôtel Hanté ». Avec Vincent Wagner, j’avais déjà adapté chez Casterman un autre roman du même auteur (« Mysteries », d’après le roman « Seule contre la loi »). Dans les deux cas, il nous a semblé intéressant de garder un ton assez littéraire pour bien restituer l’Angleterre du milieu du 19eme siècle. Ce côté littéraire peut sans doute surprendre le lecteur, mais je pense qu’il contribue à rendre l’histoire plus authentique.
Avez-vous pris des libertés scénaristiques, vis à vis de l’histoire ?
Absolument. « L’Hôtel Hanté » est un roman relativement court (environ 200 pages), un format dans lequel Collins est clairement moins à l’aise que dans les œuvres plus longues. Pour tout dire, le roman en lui-même n’est pas le plus intéressant de Collins. Mais il y aborde un sujet très particulier qui est le début d’un mouvement de villégiature dans la bonne société anglais dans la deuxième partie du 19eme siècle. A cette époque, les riches familles anglaises prennent l’habitude de laisser derrière eux le « Fog » londonien pour profiter du climat plus clément du sud de la France ou de l’Italie. Venise est une des destinations les plus prisées.
J’ai donc entièrement remis le roman à plat, n’hésitant pas à rajouter des scènes et à en changer la fin. J’ai également remplacé quelques personnages de « L’Hôtel Hanté » par des personnages qui apparaissent dans « Mysteries » pour en faire des personnages récurrents. Au final, « Venise Hantée » sera une histoire assez différente du roman d’origine, même si j’en ai gardé les grandes lignes.
Connaissiez vous Venise (pour y être allé) ou bien avez vous travaillé d’après des documents ? Quelles est votre visions de la ville (elle semble très inquiétante dans votre album tant de l’histoire que du dessin).
Malheureusement, non, je n’y suis jamais allé. Mais j’en connais le plan par cœur et je pense que j’arriverai même à m’y retrouver assez facilement. Par contre, Vincent Wagner connaît bien cette ville où il est allé quatre ou cinq fois en repérage. Si vous trouvez la ville inquiétante, cela est probablement dû à la manière dont Vincent a utilisé sa documentation pléthorique.
Comment avez vous envisagé la superbe double page 24/25 ? Est ce un choix du dessinateur et du scénariste ?
Nous avions discuté de cette possibilité en commençant l’album. Mais c’est Vincent qui a décidé de cette double page. C’est beaucoup de travail, mais cela permet de faire de la ville un personnage à part entière. Je pense qu’il y en aura d’autres (peut-être plus nombreuses) dans le tome 2.
D’ailleurs comment travaillez-vous ?
Avec Vincent, nous avons fait une dizaine d’albums ensemble. Nous habitons tous les deux en Alsace (à 25 kilomètres l’un de l’autre) et nous sommes amis depuis plus de dix ans. Nous travaillons donc très naturellement … par internet. En fait, nous nous voyons peu durant l’élaboration de l’album. En principe, je livre à mes dessinateurs un scénario et un découpage complet et ils travaillent sur ces documents. Vincent m’envoie d’abord les roughs par mail, puis finalise les planches. J’interviens très peu dans le travail de Vincent qui connaît son métier et qui n’a pas vraiment besoin de moi.
Pouvez-vous me raconter une anecdote liée à la Bd ?
Pas vraiment une anecdote, mais je tiens à préciser que « Venise hantée » fait partie d’un travail global sur l’univers victorien. J’ai commencé ce travail en 2001 avec « FOG » (avec Cyril Bonin chez Casterman). Mais il y a également les séries « Mysteries » (avec Vincent Wagner chez Casterman), « Special Branch » (avec Hamo chez Glénat) et « Les fantômes du Passé » (avec Luc Brahy chez Emmanuel Proust). Toutes ces séries ont des personnages en commun et explorent le même univers, à savoir l’Angleterre de la deuxième moitié du 19eme siècle et du début du 20 siècle (avant la première guerre mondiale). Wilkie Collins apparaît d’ailleurs comme personnage dans « FOG », « Special Branch », « Mysteries » et « Venise Hantée ».
Il faut dire que Wilkie Collins est un personnage hors norme. Issu de la bonne bourgeoisie anglaise, il avait fait des études de droit avant de devenir écrivain. Il était l’ami et le collaborateur de Dickens (le frère de Collins avait épousé la fille de Dickens). Ce qui est surprenant chez Collins, c’est sa modernité. Quand on lit ses romans, on réalise rapidement que cet homme était très en avance sur son temps. Dans beaucoup de ses romans, il met en scène d’extraordinaires héroïnes qui se battent pour faire éclater la justice et la vérité. Les femmes chez Collins sont intelligentes et courageuses. Les personnages masculins, par contre, sont souvent lâches et veules. Collins était un féministe avant le féminisme. Il ne s’est d’ailleurs jamais marié, mais a eu des enfants hors mariage, ce qui est tout à fait inhabituel pour un homme de cette époque.
Cette fois ci c’est vraiment terminé mon ami, sèche donc tes larmes car le Tome 2 arrive bientôt.
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