Le 8 juin 2025
Pour son troisième long métrage, Bo Widerberg proposait avec bonheur une veine plus introspective, tout en s’inscrivant dans la veine de cinéastes novateurs qu’il admirait.


- Réalisateur : Bo Widerberg
- Acteurs : Thommy Berggren, Ben Carruthers, Inger Taube, Keve Hjelm, Ann-Marie Gyllenspetz, Evabritt Strandberg, Björn Gustafson
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Suédois
- Distributeur : Malavida Films
- Durée : 1h30mn
- Reprise: 11 juin 2025
- Titre original : Kärlek 65
- Date de sortie : 25 mars 2015
- Festival : Festival de Berlin 1965

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– Année de production : 1965
– Reprise en version restaurée : 11 juin 2025
Résumé : Cinéaste en vue, Keve est marié à la belle Ann-Marie avec qui il a une petite fille. Mais le mariage bat de l’aile et Keve peine à trouver l’inspiration. Comme chaque été, Keve organise une fête dans sa villa du bord de mer avec ses amis ; mais cette année, trois nouveaux arrivants s’invitent à la fête : Björn, son épouse Evabritt et l’acteur Ben Carruthers...
Critique : Prix FIPRESCI au Festival de Berlin, Amour 65 est le troisième long métrage de Bo Widerberg. Après avoir dénoté les influences de la Nouvelle vague française dans Le péché suédois et du Free Cinema anglais avec Le quartier du corbeau, le réalisateur semble établir ici une (relative) rupture avec ses premières démarches thématiques et stylistiques. Issu d’un milieu ouvrier de Malmö, qu’il avait décrit dans ses deux premiers films, Widerberg s’en détache pour dépeindre les affres d’un cinéaste moderne vivant dans un milieu bourgeois et intellectuel, peinant à assurer le tournage de son film, en crise conjugale latente, et cherchant un sens à son existence. Bien sûr, un caractère semi-autobiographique est toujours à l’œuvre puisqu’on peut déceler en Keve (Keve Hjelm) un alter ego de Widerberg ; mais le temps n’est plus aux récits d’initiation du passage à l’âge adulte, dans un contexte de déterminisme social. Et si les premiers récits du cinéaste dévoilaient encore un fil narratif chronologique, la structure se veut ici plus incertaine, dans la tendance d’une certaine déconstruction inhérente au nouveau cinéma des années 1960.
- © Malavida
Plus précisément, Amour 65 témoigne de l’admiration de Widerberg pour quatre cinéastes, dont trois sont explicitement cités dans le film. On songe d’abord à Godard avec Le mépris et au Fellini de Huit et demi, pour la mise en abyme autour d’un « film dans le film » et l’incrustation d’interrogations sentimentales ; il est aussi question d’Antonioni : le manque de communication entre Keve et son son épouse fait écho aux échanges difficiles entre Jeanne Moreau et Mastroianni dans La nuit ; enfin la présence de l’acteur Ben Carruthers marque l’admiration pour le cinéma de Cassavetes : l’interprète de Shadows joue d’ailleurs son propre rôle : celui d’un comédien embauché par Keve suite au culte voué à Cassavetes… Pourtant, nulle trace de citations à outrance contrairement à Godard, pas de lyrisme baroque fellinien, ni de plans contemplatifs antonioniens.
- © Malavida
Et si Amour 65 peut sembler imprégné de l’improvisation à la Cassavetes, ce n’est pas tout à fait le cas : le scénario était très écrit mais Widerberg donnait les indications de dialogues aux comédiens juste avant les prises. En fait, le réalisateur transcende toutes ses influences par une implication personnelle (l’utilisation de sa propre fille Nina, qu’il a également dirigée dans d’autres films), un scénario évoquant la place des changements sociaux et sociétaux (ce que nous procurent les nouvelles libertés) et des prises de vue impressionnistes magnifiées ici par la photo signée Hans Emanuelsson, Jan Lindeström et Bruno Rådström. Et Widerberg filme avec plénitude les beaux visages d’actrices inspirées que sont Ann-Marie Gyllenspetz, Inger Taube et Evabritt Stransberg, qui ont peu à envier aux icônes bergmaniennes. Amour 65 ne sortit en France qu’en 2015, à l’initiative de Malavida. Il est à nouveau proposé par le distributeur à l’occasion de la rétrospective Bo Widerberg, dans les salles le 11 juin 2025.
- © Malavida