Mon royaume pour un cheval
Le 25 janvier 2025
L’apogée du classicisme dans le cinéma anglais. Le dernier volet de la trilogie shakespearienne de Laurence Olivier au cinéma est l’une des meilleures adaptations de pièce de théâtre.


- Réalisateur : Laurence Olivier
- Acteurs : Claire Bloom, Laurence Olivier, Cedric Hardwicke, Ralph Richardson, John Gielgud, Mary Kerridge, Pamela Brown, Norman Wooland, Helen Haye
- Genre : Drame, Historique
- Nationalité : Britannique
- Editeur vidéo : Carlotta Films
- Durée : 2h41mn
- Date de sortie : 23 novembre 1956

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Résumé : Le bossu Richard, duc de Gloucester, complote pour ravir la couronne royale de son frère Edouard IV. Après avoir épousé de force Lady Anne, la veuve de l’héritier de la maison de Lancastre, Richard persuade Edouard que leur frère Clarence est un traître et parvient à le faire enfermer à la Tour de Londres, puis exécuter. Le roi Edouard meurt de maladie peu de temps après. La voie ainsi libérée, Richard n’attend plus que son couronnement pour pouvoir régner en tyran...
Critique : Après l’épique Henry V (1944) et le très sombre Hamlet (1948), aux airs de thriller, Laurence Olivier termine sa trilogie shakespearienne avec cette adaptation qui est à la fois l’une des grandes réalisations du cinéma anglais avant l’avènement du « Free Cinema », et l’un de ses rôles les plus marquants. On sait qu’Olivier, à l’instar d’un Jouvet ou d’un Barrault, a toujours privilégié la scène à l’écran, dont il fut malgré tout l’un des monstres sacrés, de son interprétation de Max de Winter dans Rebecca à sa composition de dentiste tortionnaire dans Marathon Man. Pourtant, sa trilogie montre quel grand metteur en scène de cinéma il aurait pu continuer à être s’il avait persisté dans cette voie. Richard III évite tant les pièges du « théâtre filmé » statique (dans le style « films d’art » du muet) que l’esbroufe de certains cinéastes n’assumant pas la théâtralité de leur matériau et cherchant par tout moyen à « aérer la pièce » et multiplier les mouvements de caméra : même Kenneth Branagh, pourtant digne héritier de Olivier, n’évitera pas toujours ce dernier écueil. En fait, l’objectif de Laurence Olivier est de concilier spectacle populaire et respect d’une certaine tradition, conception guère si éloignée de la démarche d’un Jean Vilar au TNP. En même temps, il cherche la synthèse entre deux arts (théâtral et cinématographique). Du théâtre, on retiendra la lenteur de l’action, la déclamation des comédiens (Claire Bloom, très éloignée de la danseuse de Limelight), les déplacements signifiants des personnages, ainsi que certains passages tragiques (le meurtre des enfants). En même temps, la bataille finale, en dépit de son minimalisme, est en décor naturel, et des transitions rapides donnent un rythme cinématographique au texte shakespearien. Mais c’est surtout la combinaison simultanée des deux arts qui fait la richesse de cette œuvre : Richard III n’adresse pas ses monologues à un public d’orchestre mais à la caméra et lorsqu’il se déplace, cette caméra le suit, devenant sa prisonnière, le spectateur devenant complice de ses manigances et machinations. Quant à Olivier comédien, il compose un Richard bouffon et odieux, qui restera l’un des plus horribles « méchants » du cinéma. Son goût du jeu et de l’artifice (la prothèse nasale), loin de le desservir, est le meilleur moyen de créer un décalage et une distance avec le dispositif. Ni film hermétique pour public averti (du style Claudel par Oliveira), ni produit culturel formaté à la Zeffirelli, Richard III est le sommet d’un certain cinéma auquel seules les adaptations shakespeariennes de Welles peuvent se mesurer.
Le DVD
Une édition de qualité indispensable pour les amateurs de cinéma et de théâtre anglais.
Les suppléments
Plus que le film promotionnel de 12 mn tenant plutôt lieu de bande-annonce en version longue, on s’attardera sur un entretien de 25 mn passionnant avec Sarah Hatchuel, professeur à l’Université du Havre, qui présente une pertinente analyse filmique à la lumière de la carrière de Laurence Olivier.
Image & son
Bonne qualité du master. Ni griffure, ni tâches blanches, ni problème de son.
– Festival de Berlin 1956 : Ours d’argent
– Golden Globes, USA 1957 : Meilleur film étranger en langue anglaise
– BAFTA Awards 1956 : Meilleur film - Meilleur acteur britannique pour Laurence Olivier
– Sortie Royaume-Uni : 13 décembre 1955