Prima Cosa Bella, interviews avec le réalisateur et la star du film
Le 29 juin 2011
La comédie romantique italienne revient à la mode. A l’occasion de la sortie de Prima Cosa Bella, nous avons rencontré le réalisateur et la vedette féminine du film...
- Réalisateur : Paolo Virzì
- Plus d'informations : {La prima cosa bella-la critique}}
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Paolo et Micalea savent vous mettre à l’aise. Une interview avec trois journalistes qui a l’air de bien les amuser, le couple s’arrêtant sur nos questions, nos expressions, notre vocabulaire. Une rencontre chaleureuse sous la mélodie des mots, français comme italiens, ou l’on parlera de tout, du film récemment sortie La prima cosa bella, de l’amour (Paolo et micaeala ne se privant pas de nous le démontrer), et bien sûr de cinéma.
La critique : ICI
Votre scénario présente beaucoup de similitudes avec votre histoire personnelle. Votre mère, elle-même, est devenue vendeuse après avoir été chanteuse de variété. Peut-on dire que le personnage d’Anna s’en inspire ?
Paolo : Bien sûr. Il y a beaucoup d’éléments autobiographiques dans mon film que je qualifierais de mensonges à demi vrai. L’histoire se passe dans une ville qui se trouve être ma ville, un endroit pour lequel je ressens de la haine et de l’amour comme le protagoniste de mon film, un lieu qui m’étonne et qui m’effraie en même temps, surtout par rapport à l’esprit, l’enthousiasme de cette femme qui appartient à la génération de ma mère. Je me souviens que parfois ma mère faisait des gaffes et que j’en avais honte. Repenser à tout cela m’a fait réfléchir et je me suis posé plein de questions à son sujet, sur moi-même et sur ma vision de la famille. Ce projet a suscité le désir de me réconcilier avec quelque chose d’authentique et de profond auquel parfois on veut échapper : une sorte d’amour primitif qui existe entre une mère et ses deux enfants, en dépit de toutes leurs aventures rocambolesques. Un amour si fort qu’il devrait nous apprendre à accepter et profiter pleinement de nos proches.
Vous êtes en couple à la ville. Comment se sont passées vos relations professionnelles durant le tournage ?
Micaela : On se disputait beaucoup mais on faisait égaement beaucoup l’amour ! (rires)
Paolo : Il ne s’agit pas à proprement parler d’un travail, c’est une grande passion, un grand amour, c’est un privilège que d’avoir la possibilité d’inventer des histoires, de donner chair à des personnages, et moi j’aime beaucoup m’entourer de gens qui me sont familiers. Qu’est-ce qu’il y a de mieux que d’avoir à côté de soi son grand amour dans son film ! Et ce n’est pas simplement ma femme, c’est aussi une formidable artiste, très sensible et unique. Donc non ça n’a pas été difficile, si tu veux tout savoir (rires)
Micaela : C’est un privilège pour un acteur de tourner des films avec Paolo. Tous les acteurs qui travaillent avec lui sont primés ! C’est un grand réalisateur, un grand metteur en scène et sur un tournage, il a l’attrait d’un gourou qui vous fait faire ce qu’il veut, donc faites attention à vous ! (rires) Il est capable de motiver les acteurs d’une façon très particulière. Avec lui on rigole et une seconde après on pleure. Et l’émotion c’est toujours un moment délicat pour un acteur. On n’est jamais sûrs de pouvoir fournir l’émotion demandée au bon moment, mais lui il arrive avec ce grand sourire qu’il ne vous a pas encore montré, un sourire qui fait un peu peur en faite, et donc à ce moment-là tu sais qu’il faut que tu le fasses !
Micaela, de quelle manière avez-vous travaillé votre personnage ?
Micaela : Ca n’a pas était simple d’incarner Anna. Au début quand on m’a proposé ce rôle j’avais un peu peur, j’avais presque envie de m’enfuir. C’était difficile aussi parce que j’avais devant moi cette icône qu’est Stefania Sandrelli, une très grande actrice, une référence du cinéma italien des années soixante. Elle travaille énormément, elle a tourné des films magnifiques. C’est quelqu’un pour qui j’ai beaucoup d’estime. Elle possède beaucoup de grâce et de poésie, et elle capable de trouver cet équilibre subtil entre ironie et séduction. C’est naturel chez elle. En fait, je me suis comporté un peu comme une étudiante qui doit passer un examen difficile. J’ai d’abord regardé tous ses films, et des comédies à l’italienne, elle en a tournées beaucoup... Je me suis inspirée d’elle, de sa façon de marcher, de regarder. Ai-je réussi ? Je ne sais pas. Mais mon travail a surtout consisté à m’inspirer d’elle alors que je ne la connaissais pas personnellement. J’ai aussi dû changer d’accent ; moi je viens de Rome, et il fallait que je prenne l’accent de Livourne, l’accent toscan. En plus il fallait que je parle et vive dans un monde qui m’était inconnu, les années soixante-dix. J’ai donc essayé d’imaginer comment les femmes de cette époque se comportaient. Je gardais en tête l’image d’Anna avec deux enfants en bas âge, qui se dandine, puis celle d’Anna avec des enfants qui ont grandi, l’image d’une femme qui commence à porter le poids de l’âge, la cigarette à la bouche, le chignon défait, la voie basse. Tout cela, c’était un travail à la fois technique et intuitif.
Le film a été qualifié de machiste par ses détracteurs, pourtant c’est une belle vision italienne de la femme à tous les âges, de son pouvoir et de l’importance de sa liberté.
Comment définiriez vous votre regard sur la femme en générale (mère, sœur, épouse), et sur celle d’Anna en particulier ?
Paolo : Le film présente une galerie de portraits d’hommes qui sont horribles, des hommes qui ne sont pas matures, des traitres. Pour moi, c’est un hymne à la femme. Il illustre une qualité que seule les femmes possèdent et qui peut mettre mal à l’aise, c’est ce que l’on appelle la frivolité. Il y a une poétesse italienne très connue, Anna Morini, qui dit que les femmes sont parfois frivoles parce qu’elles sont trop intelligentes. On a tendance à croire que les femmes pour s’émanciper doivent se masculiniser alors que pour moi la source la plus précieuse de tous les secrets féminins c’est la grâce. C’est ça la véritable force subversive d’une femme. Je pense que dans mon pays, il faudrait qu’il y est une femme au pouvoir et une femme qui ne ressemble pas forcément à un homme. Cette caractéristique fait peur à la mentalité petit-bourgeois, ce qui réduit la gente féminine a une image subalterne. Bon, bien sûr dans notre culture italienne d’aujourd’hui, l’image de la femme objet est un peu omniprésente, surtout dans notre monde politique avec les partouzes de notre président du conseil. Les Italiens souvent se l’imagine comme une bimbo, et puis parfois on lui oppose une autre facette qui est tout autant moraliste, celle de la femme laborieuse, courageuse, pleine de bons sens, qui ne pense qu’à sa marmaille, sa famille et son travail. A mon avis cette conception de la femme est aussi avilissante que l’autre parce que elle est sujette au regard masculin.
C’est pourquoi les moralistes qualifient le film de machiste (rires).
(...)
Micaela et Paolo, parlez nous d’Anna. Pour vous est-ce un personnage destructeur ou fédérateur ?
Paolo : Pour moi Anna ne détruit rien du tout, elle est victime de beaucoup de malentendus, de beaucoup de violences. C’est quelqu’un qui lutte pour défendre ses enfants et en même temps le film ne véhicule pas une image idyllique de la famille. C’est l’histoire d’un amour entre des créatures fragiles qui essayent de se protéger les unes les autres même en se faisant du mal. Mais il arrive qu’en s’aimant on se fasse du mal, c’est une vérité assez cruelle : on s’aime et on se fait souffrir. Anna est en même temps inconsciente et héroïque. Et c’est pour cette raison qu’autour de son chevet on retrouve beaucoup de gens, parce qu’elle connaît le secret du bonheur contagieux.
Micaela : A mon avis, Anna c’est aussi une victime, c’est quelqu’un qui se confie et qui fait confiance, à la vie et aux autres, et à chaque fois elle se fait chassée, par le comte Paoletti, par son patron, par son mari. Il y n’y a qu’une seule figure masculine qui reste à côté d’elle, c’est son voisin, il est là, déjà dans les années soixante, il est toujours là lorsqu’Anna vieillit, jusque dans ses derniers instants.
La leçon que l’on tire du film est que de toutes façons la vie est un joyeux bordel, là-dessus
vous proposez trois façons de l’appréhender : comme Anna en enjolivant la réalité, comme
Valéria en restant pétrifier de peur ou comme Bruno dans la dépression. Et vous, laquelle choisiriez-vous ?
Paolo : Mais en faite si vous regardez bien, la fin du film nous réserve des surprises. La fille, Valeria, que l’on croyait prévisible, car elle a épousé le premier venu par souci d’être protégée, finit par nous dévoiler un tempérament inattendu, une certaine audace lorsqu’elle se jette au cou de son amant, devant son mari et enfants. Et puis Bruno, qui nous apparaît d’abord comme destructeur, après la douleur de la perte de sa mère, se jette dans l’eau et se baigne dans des eaux agitées, sales comme peuvent l’être celles de Livourne qui est un grand port. En quelque sorte il se jette dans la vie. Et je suis sûr que si un jour je devais faire une suite pour ce film, Bruno se retrouverait changé. J’ai beaucoup aimé cette idée de joyeux bordel, un bordel où, je pense, l’on ne pourra pas remettre de l’ordre. Cela ne sera jamais un paradis, nous sommes humains, nous avons beaucoup de limites et beaucoup de défauts. On peut avoir un regard différent sur ce chaos, un regard qui nous permet de l’accepter, mais on ne pourra pas le réparer.
La vie n’est pas un paradis !, une belle conclusion que nous offrira dans un français presque parfait, le réalisateur italien, Palo Virzi.
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