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Le 20 avril 2006
Toutes les recettes de la cuisine horrifique de Billy O’Brien, le réalisateur irlandais d’Isolation.
- Réalisateur : Billy O’Brien
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Toutes les recettes de la cuisine horrifique de Billy O’Brien, le réalisateur irlandais d’Isolation.
Comment une ferme irlandaise et ses vaches peuvent-elle devenir le décor d’un film d’horreur ?
Je voulais faire un film aussi réaliste que possible, dans les décors de ma jeunesse, une ferme en Irlande. Partant de là, à l’écriture du scénario, je me suis dis : une ferme, des vaches, etc., comment vais-je rendre ça effrayant ? Dès que j’ai eu l’idée de la scène de la naissance du veau, au début, la question ne s’est plus posée. Cette scène est là pour prendre le spectateur à la gorge et ne plus le lâcher. Ensuite, si on y réfléchit bien, une ferme est un décor idéal pour un film d’horreur, plein d’espaces vides, sombres, de liquides suspects... Pour en revenir à mes souvenirs d’enfance, j’ai eu, par exemple, à faire le tour de la ferme en pleine nuit, à l’heure où les rats sont rois et où les objets deviennent effrayants. Avec tout ça j’avais de quoi écrire un scénario bien serré et faire le film qui va avec ! La question était : les producteurs vont-ils y croire. J’ai donc pris des photos et dégoté un livre sur les maladies bovines les plus effrayantes. Ça a fait son effet...
Isolation est un film de genre. Comment définiriez-vous ce genre, et qui vous a inspiré ?
Quand j’ai commencé à écrire Isolation, il y a un peu plus de trois ans, la mode était au film d’horreur japonais, mais j’ai voulu faire un film d’un genre qui date plus des années 80, les films à la Cronenberg et Carpenter, dontLa chose est une référence majeure pour moi. A partir du moment où j’ai enfermé un groupe dans un lieu reculé avec une présence hostile, il m’a juste fallu me démarquer de Alien ou La chose, et éviter le plagiat. Je pense y être arrivé, notamment en choisissant un décor hors normes. Reste, évidemment, des clins d’œil et des références.
Qu’est-ce qui fait un bon film d’horreur ?
Tout commence par le scénario. Le secret d’un bon scénario de film d’horreur, c’est le suspense. En garder le plus sous le pied, faire patienter le lecteur, et donc les spectateurs. L’horreur est avant tout dans son attente. Ensuite, cela tiens énormément aux acteurs. Un bon acteur de film d’horreur est capable, par la seule expression de la peur sur son visage, de la transmettre aux spectateurs. Il faut ensuite connaître les petits trucs comme filmer le dos des personnages. Enfin, il faut provoquer des situations improbables, qui vont à coup sûr mal tourner, où le spectateur n’irait certainement pas se mettre. Ces situations, si elles sont bien amenées, font rire, mais aussi font craindre le pire. Pour ma part, j’espère en avoir fait un usage surprenant...
Comment vous est venu l’idée des expérimentations génétiques ?
Mon premier film, un court, parlait des tests sur les animaux. J’avais déjà écris le début d’Isolation, et je cherchais une intrigue pour coller avec l’univers que je mettais en place. J’ai donc combiné les deux, en faisant en sorte que le côté "modification génétique", qui tiens de la science-fiction, arrive à un moment où le spectateur est déjà pris par l’histoire réaliste, et donc ne relâche pas son attention.
Pourquoi avoir choisi le thème très répandu de la science comme danger pour l’homme ?
Politiquement parlant, je n’aime pas trop la façon dont la recherche génétique est menée, surtout quand elle repose en grande partie sur des entreprises privées, et donc moins contrôlables. Mon film est aussi un film d’horreur humain. La bête, créée par l’homme, n’est pas le seul danger présent dans la ferme... je ne voulais pas faire un film manichéen.
Comment avez-vous géré le modeste budget qui vous était alloué ?
Il a fallu faire au jour le jour, et être inspiré pour ce qui est des scènes d’horreur. Je ne voulais pas que le monstre soit raté. Aussi, de la même manière qu’on voit peu le requin dans Les dents de la mer, on voit peu le monstre. Finalement, c’est aussi un avantage, car cela force le spectateur à faire travailler son imagination, et donc sa capacité à se faire peur.
Comment avez-vous tourné les scènes avec les vaches ?
Tout est faux, ce sont de fausses vaches qui ont servi pour les scènes d’horreur, surtout celle de la naissance du veau. Quatre vaches mécanisées ont été fabriquées. Néanmoins, Essie Davis, qui joue la véto, Orla, s’est vraiment préparée avec un vétérinaire, afin d’être plus crédible dans les scènes où elle côtoie de vraies vaches. En fin de compte, ça a représenté près de 70 % du travail de Bob Keen, qui s’est occupé des effets spéciaux. C’était un travail extrêmement délicat.
Vous êtes irlandais, le film est irlandais. Peut-on parler d’un film d’horreur à l’irlandaise ?
Ce qui est sûr, c’est que je voulais qu’Isolation soit tourné en Irlande. On m’a proposé le Montana, aux Etats-Unis, mais j’ai refusé. Ensuite, mon identité joue évidemment. Ce qui est important, enfin, c’est que j’ai essayé de m’inscrire dans une vague de réalisateurs irlandais qui font des films universels, de sortir d’une tradition de film irlandais qui ne parlent que de l’histoire et de la société irlandaise. Même si ses films n’ont rien à voir avec Isolation, Neil Jordan est un des premiers à s’être ouvert à un cinéma à la fois irlandais et universel.
Avez-vous des projets en cours ?
Je travaille sur deux scénarios, qui ne sont pas des films d’horreur. Je sais que ce n’est pas forcément très malin en termes de carrière, mais j’ai envie de faire autre chose. Néanmoins, si un bon scénario de film d’horreur m’arrive entre les mains, évidemment, je le ferais !
Propos recueillis à Paris, le 14 avril 2006
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