Le 18 octobre 2022
En donnant naissance à une famille décomposée au cœur d’un village de la Transylvanie, Cristian Mungiu décrit avec force la déchirure d’un pays qui s’abandonne au racisme et au nationalisme. Un film sidérant.


- Réalisateur : Cristian Mungiu
- Acteurs : Andras Hathazi, Judith State, Marin Grigore, Zoltan Deak, Orsolya Moldován
- Genre : Drame
- Nationalité : Roumain
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 2h05mn
- Date télé : 16 février 2024 22:49
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Date de sortie : 19 octobre 2022
- Festival : Festival de Cannes 2022, Festival de La Rochelle 2022
– Sélection officielle Cannes 2022 : en compétition
Résumé : Quelques jours avant Noël, Matthias est de retour dans son village natal de Transylvanie, après avoir quitté son emploi en Allemagne. Il s’inquiète pour son fils, Rudi, qui grandit sans lui, pour son père, Otto, resté seul, et il souhaite revoir Csilla, son ex-petite amie. Il tente de s’impliquer davantage dans l’éducation du garçon qui est resté trop longtemps à la charge de sa mère, Ana, et veut l’aider à surpasser ses angoisses persistantes. Quand l’usine que Csilla dirige décide de recruter des employés étrangers, la paix de la petite communauté est troublée, les angoisses gagnent aussi les adultes. Les frustrations, les conflits et les passions refont surface, brisant le semblant de paix dans la communauté.
- © FDC / Philippe Savoir
Critique : Dix ans plus tôt, si Mungiu avait dû parler de la question sociale de son pays, la Roumanie, il aurait évoqué un pays dévasté par la pauvreté et incapable de fournir du travail à ses concitoyens. Nous sommes bien en 2020. La plupart des Roumains ont fui leur pays afin de travailler dans ce qu’ils appellent l’Occident. Les quelques entreprises qui survivent grâce notamment aux fonds européens peinent à recruter et sont contraintes de recourir à de la main-d’œuvre étrangère. Les villageois se vantent d’avoir chassé les Roms, mais maintenant que ce sont des Africains ou des Sri-lankais qui viennent occuper des postes vacants, leur colère résonne comme un bras de fer contre les autorités en place.
R.M.N raconte avec effroi la désintégration d’un village qui, faute d’avoir anticipé le besoin de personnel et d’avoir pu retenir ses forces vives, cède aux spectres du nationalisme et du racisme. Tout y passe : la haine de l’Occident, le rejet de l’Europe et surtout la détestation des étrangers. Cette histoire ressemble tragiquement à ce qui effondre petit à petit toute l’Europe avec la montée du populisme. Les ours qui errent dans la forêt et terrorisent les passants sont peut-être les ombres fantomatiques de l’extrême droite, dans un environnement où la liberté de mouvement, de pensée démontre son échec.
Mais Cristian Mungiu ne règle pas ses comptes avec l’Europe. Il dissèque à la loupe une société roumaine qui peine à faire cohabiter ses traditions, son besoin d’attirer les touristes et sa difficulté endémique à nourrir sa population. Le cinéaste mélange les langues hongroise, roumaine, allemande, française et anglaise, à l’image du panorama éclectique de l’Europe, sauf qu’ici, dans le village où se passe le film, tout ce qui ressemble de près ou de loin à un étranger crée la peur et le doute.
- © 2022 Le Pacte
Le cinéma de Cristian Mungiu, bien connu de la Croisette, a gagné dans sa capacité à raconter des histoires. La fable sociale se noue avec le récit d’une famille qui se déchire, avec au cœur un enfant qui a perdu les mots et un grand-père malade dont les brebis se font dévorer chaque jour par des animaux sauvages. En fait, à la façon d’un IRM, le cinéaste décrypte une société des plus complexes où le populisme et le simplisme font office de facilité pour donner de la cohérence à la société. On ne s’ennuie jamais. La photographie, le rythme, la puissance des personnages engagent le spectateur dans une radiographie passionnante d’un pays qui n’en a pas fini avec son passé.
R.M.N est une très belle surprise dans la compétition cannoise de 2022. Le film s’affirme comme une urgence pour appréhender avant qu’il ne soit trop tard, l’inexorable montée du radicalisme politique au cœur même de l’Europe.
criss 20 octobre 2022
R.M.N. - Cristian Mungiu - critique
Sidérant...c’est bien le mot.
Le cinéaste a radiographié le mal à l’échelle d’un village en Transylvanie.
Les ouvriers nouveaux venus travaillent bien mais suscitent le mécontentement et ressentiment dans la communauté !
Le film est fluide,captivant. Il nous montre comment la bête raciste tapie en nous peut se réveiller à tout moment et prendre le dessus sur la raison.
Fresque magistrale.....A voir.