Place aux jeunes
Le 30 juin 2024
Conte moral hanté par les fantômes du passé, Baccalauréat déploît un scénario implacable. Mais son ossature, trop didactique, peine à captiver.
- Réalisateur : Cristian Mungiu
- Acteurs : Adrian Țițieni, Maria Dragus, Lia Bugnar
- Genre : Drame, Film pour ou sur la famille
- Nationalité : Roumain
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 2h07mn
- Titre original : Bacalaureat
- Date de sortie : 7 décembre 2016
- Festival : Festival de Cannes 2016
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Résumé : Romeo, médecin dans une bourgade de Transylvanie, a tout fait pour que sa fille, Eliza, soit acceptée dans une université anglaise. Il ne reste plus à la jeune fille, très bonne élève, qu’une formalité : obtenir son baccalauréat. Mais Eliza se fait agresser et le précieux Sésame semble brutalement hors de portée. Avec lui, c’est toute la vie de Romeo qui est remise en question quand il oublie alors tous les principes qu’il a inculqués à sa fille, entre compromis et compromissions…
Critique : Sans mauvais jeu de mot, la copie de Mungiu est un brin scolaire. Le Roumain articule quelques-uns de ses crédos habituels : la rédemption, la culpabilité, le tout servant sans surprise à illustrer la Roumanie d’aujourd’hui façon critique sociale. Le thème du baccalauréat permet de télescoper sur le même plan la frustration de Roméo, médecin et père convaincu qu’il n’y a plus d’avenir en Roumanie, la possible échappatoire à Cambridge de sa fille Eliza une fois son diplôme en poche, ou encore le gouffre séparant jeunes et adultes. Mais comme nous y prépare la scène d’ouverture - l’on aperçoit, à deux pas de l’immeuble où vit la famille de Roméo, de la terre projetée depuis un trou par quelqu’un hors champ -, rien ne va fonctionner comme prévu. Roméo, qui n’est autre que le protagoniste central de Baccalauréat et vers qui tout converge, va devenir inconsciemment son propre fossoyeur. Il voit en sa fille studieuse Eliza un moyen de racheter son propre échec, lui qui croyait après son retour en Roumanie en 1991 à des jours meilleurs. Mais encore faut-il pour la jeune fille s’acquitter d’une formalité avant de gagner l’Université de Cambridge : le baccalauréat. Problème : à quelques jours de l’examen, Eliza est agressée par un homme puis pratiquement violée. Roméo, conscient que cet évènement tragique risque de remettre en question les résultats de sa fille, préfère l’encourager plutôt que de la réconforter. Ce désir irrépressible de rédemption va petit à petit s’émailler puis se muer en culpabilité. Ce qui ne l’empêche pas de tomber à son insu dans des magouilles hasardeuses risquant à la fois de nuire à sa fille et à ce qu’il lui reste de famille. Le scénario de Cristian Mungiu est implacable, et toutes les ouvertures fantasmées par Roméo se refermeront les unes après les autres façon film noir.
- Copyright Mobra Films
À l’instar de cette caméra cadrant perpétuellement Roméo, ce dernier n’a en définitive d’intérêt que pour sa propre libération par procuration. Sa femme, belle rose fanée et esseulée, n’apparaît que comme un être en sursis. Son amante ne l’intéresse que dans la mesure où elle lui apporte un réconfort sexuel. Quant à sa fille, prunelle de ses yeux mais qu’il n’écoute et n’entend pas, seule compte pour lui sa réussite sociale prochaine hors de la Roumanie. Cette obsession qui absorbe tout jusqu’à sa sensibilité ne chancèlera qu’à de rares exceptions, notamment dans ce bois en bord de route où il sanglote en pleine nuit. Comme ces chiens errants et ces travaux qui rompent la profondeur de champ des plans, Roméo personnifie la Roumanie contemporaine, abîmée et désabusée. Le message de Cristian Mungiu est limpide, mais pas pour autant désenchanté : après avoir exposé pendant deux heures les vices (corruptions) et déficiences (angoisses) de son pays grâce aux pérégrinations de Roméo, il montre comment l’avenir appartient désormais à la jeunesse. D’abord perçus comme les fantômes d’un passé qui ne passe pas, les pavés et autres cailloux perçant les vitres de l’appartement de la famille sont peut-être l’image de quelque chose se brisant pour mieux renaître. D’abord paré d’un masque effrayant à l’arrière plan, l’enfant de Sandra (l’amante de Roméo) se montre au grand jour dans un final un tantinet mièvre, mais encourageante dans la salle de classe. Avec ses ersatz d’espions à la Ceausescu reconvertis dans le bien, ses vieux apparatchiks agonisants et ses jeunots bien décidés à changer la face de la Roumanie, Baccalauréat fait mouche. Mais un excellent scénario ne fait pas tout, et il manque encore à Mungiu de vraies idées de cinéma pour éblouir. N’en demeure pas moins, à défaut de passionner, un conte moral angoissant plutôt exemplaire.
- Copyright Le Pacte
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