Comme une longue action de grâce, un chant d’amour au Creusot, ville désolée, à sa grisaille, à ses hommes mangés par la machine industrielle, et à toute sa beauté cachée, étouffée, qui subsiste et surgit avec force sous la plume de Christian Bobin. "J’écris ce livre pour tous ces gens qui ont une vie simple et très belle, mais qui finissent par en douter parce qu’on ne leur propose que du spectaculaire." Le ton est donné. Dans Prisonnier au berceau, il s’agit avant tout d’une apologie de la simplicité. Autobiographie en prose poétique, ce récit s’étaie de photos en noir et blanc, presque ternes, volontairement, sans doute, mais pourtant belles. Jouant verbalement avec ce même clair obscur, Bobin explique comment cette prison de pauvreté et d’ennui lui est devenu la voie nécessaire à l’évasion. Il en décortique mot après mot l’infinie joliesse.
C’est sûr, Bobin est un mystique. Poète chrétien affirmé, il aime avec ferveur, avec ardeur chaque petit rien en lui conférant une part de divin. Bobin détecte des anges ici et là. Peut-être un peu trop, parfois. Et comme à son habitude, il dépeint son Dieu comme le plus grand des poètes, celui qui travaille au ravissement des cœurs. Par le biais de l’intensité du bleu, l’éclat d’une fenêtre ouverte, le chant des oiseaux de mineurs étouffés dans cette ville sourde de neige.
Après Le très bas, Une petite robe de fête ou La plus que vive, Bobin sème une fois encore quelques phrases d’une poésie délectable. Se réclamant avec joie l’héritier d’une Emilie Dickinson ou d’un Jean Grosjean, il poursuit son œuvre solitaire, joyeuse et douloureuse, remplie d’esprit, et surtout, pleine d’âme.