Première campagne - la critique du film

Notre avis : Historienne de formation et diplômée de Sciences Po, Audrey Gordon fait ses premières armes dans la presse écrite et audiovisuelle avant de réaliser des documentaires. Passionnée d’Histoire et de transmission, elle s’intéresse tout logiquement aux préparatifs de cette campagne électorale inédite qui bouleverse l’échiquier politique et permet à un jeune banquier pratiquement inconnu de se hisser au plus haut sommet de l’État. L’originalité de ce documentaire consiste certes à nous faire partager le baptême du feu du soldat Macron, mais bien davantage à nous donner l’occasion de suivre les premiers pas d’une journaliste novice, jetée dans l’arène sans grande préparation. En effet, au fil du récit, il apparaît de plus en plus évident que la vraie « star » de l’histoire, c’est elle et c’est tant mieux, car Astrid est d’une spontanéité désarmante, ce qui est rarement le cas dès que, de près ou de loin, on aborde un sujet politique. Noyée parmi les perches des micros, importunée par quelque organisateur tatillon, bousculée par ses supérieurs, elle garde sa joie de vivre, son humour et sa tchatche pendant qu’un lien, qu’elle s’évertue à tenir à distance entre discernement et ironie, se noue avec le candidat.

Copyright Jour2fete

Au milieu de cette agitation épuisante, la réalisatrice aère son récit de pauses à la fois apaisantes et pertinentes, sans néanmoins jamais perdre de vue son sujet principal. Une séquence se distingue par son étonnante sagesse et sa troublante prémonition, au cours de laquelle Astrid et son père envisagent les conséquences de l’arrivée, sur la scène politique, d’un personnage médiatique fabriqué de toutes pièces, tel que semble bien l’être le candidat Macron. Une autre séquence consacrée au candidat Poutou, dont les moyens modestes contrastent avec le faste déployé autour de Macron, apporte une respiration inattendue.

Copyright Jour2fete

Enfin, l’incursion au cœur de la rédaction de France 2, dont la partie politique est dirigée par Nathalie Saint-Cricq, offre à Audrey Gordon la possibilité de tisser non seulement le portrait des femmes (nombreuses) qui travaillent avec enthousiasme malgré le rythme trépidant, au sein de ce milieu réputé masculin, mais aussi de décrire la force de la transmission, à travers la relation entre la débutante et humble Astrid Mezmorian et la célèbre responsable politique de la chaîne publique.
Un film instructif et foisonnant qui, sans se prendre au sérieux, mais avec tout le professionnalisme requis, nous ouvre les portes de mondes habituellement peu faciles d’accès.