Le 3 décembre 2017
Mark Robson signe l’un de ses meilleurs films, une œuvre puissante et désespérée.
- Réalisateur : Mark Robson
- Acteurs : Humphrey Bogart, Rod Steiger, Jan Sterling, Mike Lane
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Columbia
- Editeur vidéo : Sidonis Calysta
- Durée : 1h49mn
- Box-office : 634.746 entrées France / 125.511 entrées Paris -périphérie
- Titre original : The Harder They Fall
- Date de sortie : 8 septembre 1956
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– Sortie DVD et Blu-ray : le 26 septembre 2017
Résumé : La carrière de journaliste sportif d’Eddie Willis est au point mort quand Benko, un manager de boxe, lui propose de faire la promotion de son poulain, Toro. Eddie accepte, mais il se rend vite compte que l’apparence du boxeur ne reflète en rien ses capacités et qu’il ne doit ses victoires qu’aux tricheries perpétrées par Benko.
Notre avis : Plus dure sera la chute est connu pour être le dernier film tourné par Bogart, mais c’est lui faire injure que de se focaliser sur ce fait malheureux, alors que c’est un drame sombre, implacable, qui décrit sans concessions un monde inhumain. La boxe, vue par Robson, n’est qu’un trafic exercé par des managers amoraux, utilisant de la « marchandise », comme le dit l’un d’eux, dans le seul but de faire de l’argent. Rien ni personne n’est épargné par ce constat amer que porte Eddie, interprété par Bogart : le scénario le montre en homme qui, acceptant une compromission, met le doigt dans un engrenage qui lui fait perdre sa femme et son amour-propre. Évidemment, le comédien excelle dans ce rôle désabusé et humain, et son jeu retenu s’accorde parfaitement à la réalisation sèche et nerveuse de Robson : on est happé par ce film sans temps morts, brut et très noir.
Dès les premières images, avec les protagonistes qui convergent vers le ring, la mise en scène supprime le gras : chaque mouvement, chaque plan, contribue à définir et caractériser les personnages et même à développer des clins d’œil ironiques, comme cette arrivée du boxeur Toro devant la statue de la Liberté, image dégradée du rêve américain. Ironie que le film utilise aussi bien dans les dialogues, vifs et rapides, que dans l’image récurrente du bus célébrant Toro : après des déambulations dans toutes les villes des combats, il finit garé, à l’abri des regards, au moment où le boxeur est à l’hôpital.
Plus dure sera la chute regorge de répliques cinglantes (« vendre du savon ou un boxeur, c’est vendre », « quand on gagne peu, on passe pour un crétin ») qui définissent des relations impitoyables reposant sur le mensonge perpétuel. Bien sûr, les managers en prennent pour leur grade, mais au fond personne n’est innocent, pas plus Eddie qui berne Toro que sa femme qui profite de l’argent, même momentanément. François Guérif a raison de souligner à quel point ce dernier est omniprésent, dirigeant un monde corrompu où les plus pervers font la loi : ainsi le cadrage permet-il à Nick de se trouver à plusieurs reprises en hauteur, observateur triomphant des magouilles. Si Nick triomphe, c’est aussi qu’il utilise sans vergogne toutes les occasions de vaincre, quitte à se lancer deux fois dans des tirades aussi émouvantes qu’hypocrites. C’est que le pouvoir appartient à ceux qui ont les mots, ce qui ne laisse aucune chance aux boxeurs, pas plus qu’au malheureux entraîneur sud-américain. En ce sens, la société ne fait que briser les plus faibles, comme le montre le film sur un ancien boxeur déchu : pas de place pour les perdants.
Robson sait filmer : sa mise en scène des combats est magnifique de tension et de rudesse ; le dernier en particulier a une puissance peu commune. Mais il réserve également de beaux passages à l’émotion, sans pathos, que ce soit la mort de Gus ou le départ de Beth, la femme d’ Eddie. Dans ce monde d’hommes, celle-ci incarne une forme de conscience, qui entraîne le protagoniste vers un rachat final. Les autres femmes sont des semi-prostituées, rapaces et simples figurantes. Avec Art, qui pourtant se compromet au début, Beth est le seul personnage véritablement positif, comme une lueur morale dans cet univers violent. Robson et son scénariste, sans doute Budd Schulberg, n’épargnent même pas les gens ordinaires, montrés comme des bêtes hurlantes et assoiffées de sang. Autant dire que cette vision très noire, malgré une fin légèrement optimiste mais ouverte, a de la grandeur et hisse ce film à un haut niveau, surtout que la photo est superbe et l’interprétation sans failles.
Les suppléments :
Bertrand Tavernier commence par une enquête sur le vrai scénariste du film, intrigante question, avant de faire preuve de sa finesse habituelle dans l’analyse enthousiaste (28mn30). En huit minutes seulement, François Guérif ajoute quelques précisions intéressantes, notamment sur le rôle de l’argent dans le métrage, même s’il n’évite pas les redites. À quoi s’ajoute une galerie photos.
L’image :
La restauration a conservé un grain parfois un peu épais, mais elle a puissamment renforcé les contrastes et approfondi les noirs ; la définition est impeccable et on cherchera en vain un parasite.
Le son :
Les deux versions ont été nettoyées, abolissant le souffle ou les scories ; on retrouve un son clair, agréable à entendre et qui participe à la constitution d’une ambiance très noire. Comme d’habitude pour des films de cette époque, la VO est tout de même préférable.
Galerie Photos
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