Petit tailleur - la critique

Une œuvre lyrique de quarante minutes qui laisse songeur rien qu’en imaginant ce que pourrait proposer Louis Garrel en passant au format long.

L’argument : Arthur a vingt-cinq ans, il est apprenti tailleur dans l’atelier d’Albert, quatre-vingts ans. Albert aime Arthur comme son fils, qui le lui rend bien, et part bientôt à la retraite. Il a choisi Arthur comme successeur. Mais un soir, Arthur est emmené au théâtre par son ami Sylvain. Il tombe fou amoureux de Marie-Julie, l’actrice principale de la pièce. Pour la séduire, Arthur lui fabrique une petite robe. Les deux amants décident de ne plus jamais se séparer, se lancent le défi de tout abandonner pour vivre leur amour. Mais Arthur peut-il assumer de faire défaut à Albert ?

Notre avis : Petit tailleur se construit dans la lignée directe de Mes copains, premier court-métrage de Louis Garrel. L’acteur-réalisateur réemploie les mêmes acteurs, les mêmes personnages et reprend leur récit là où il les avait laissé. Ce moyen métrage pourrait presque être considéré comme un spin-off de la précédente réalisation du cinéaste, avec Léa Seydoux, nouvelle recrue, incarnant son propre rôle : celui d’une actrice. La frontière entre les comédiens et la réalité se révèle ténue : les acteurs conservent pour beaucoup leur prénom et la voix de Louis Garrel qui guide le récit est à la première personne.

© MK2 Diffusion

Le théâtre, formation initiale du cinéaste (qui a suivi une formation au Conservatoire de Paris) s’inscrit comme le moteur existentiel de chacun des protagonistes de Petit tailleur. Ce n’est donc pas un hasard si le cinéaste a choisi de faire vivre au spectateur la pièce dans laquelle joue Léa Seydoux ; non par une captation du spectacle mais par un retour sur les applaudissements, par des incrustations sonores. Le procédé évoque inévitablement la Nouvelle Vague selon Jean-Luc Godard. Cette période du Cinéma Français apparaît d’ailleurs comme la référence essentielle du fils de Philippe Garrel. En effet, la belle Léa Seydoux a tout d’Anna Karina, ses manières et sa grâce. Nous ne sommes pas loin de Vivre sa vie lorsque le réalisateur de Petit tailleur filme les pieds nus de l’actrice sur le sol du parvis du théâtre de l’Odéon.

© MK2 Diffusion

Les sources d’inspiration de Louis Garrel sont donc non seulement nombreuses mais également reconnaissables. Mais, pas un seul instant, on ne pourrait penser que le réalisateur reproduit le cinéma (et le théâtre puisqu’il cite expressément Keist) qu’il aime : son Petit tailleur est très personnel. Louis Garrel met de la poésie dans chacune des répliques - chaque expression résonnant comme autant de vers. Pour s’approcher toujours plus près du coeur des amants héroïques, il ne recourt pas au discours du quotidien, les termes sont soutenus. Le lyrisme de chaque plan, magnifiquement souligné par un noir et blanc velouté, maintient le moyen-métrage dans l’intemporalité. On n’ose imaginer ce que produirait une version longue de Petit tailleur, mais on espère que Louis Garrel nous la proposera bientôt.

La bande-annonce : ICI