Le 2 avril 2020
- Date de sortie : 9 septembre 2002
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Huit nouvelles sur fond de guerre, imprégnées d’un climat fantasmatique et merveilleux. Assef Soltanzadeh imprègne chacun de ses textes d’un climat fantasmatique et merveilleux, tout en montrant l’impossibilité de se détacher des conflits ravageant l’Afghanistan.
Résumé : Un homme voit sa vie suspendue à l’issue d’une partie de cartes où le deux de trèfle doit s’avérer gagnant. Un autre, ne trouvant pas preneur pour son plus précieux bien, ses enfants, décide de leur offrir un dernier repas, un festin royal. Un futur marié est obligé d’aller chercher son oncle dans un quartier de Kaboul interdit à son ethnie. Une femme décide de se prostituer pour sauver son époux. Un magicien fait disparaître, dans un ultime défi, un tank russe. Les nouvelles d’Assef Soltanzadeh sont toutes des plongées dans l’indicible, l’inimaginable, où des personnages tentent de fuir leur destin sans jamais pouvoir lui échapper avec, en toile de fond, la guerre omniprésente. Par tradition et parce que le roman est une idée neuve dans la littérature afghane, Assef Soltanzadeh a choisi cette "petite forme", celle des récits, des contes, des nouvelles, pour mieux rendre compte d’un univers fragmenté et chaotique.
Critique : L’Afghanistan dévasté par la guerre. L’armée russe, les chars omniprésents, toujours... Les civils condamnés à la terreur. Hommes et femmes perdus, dépassés, tentant malgré tout de résister aux ravages de ce conflit d’usure. Partout, la même peur de la mort et des représailles. La perte d’identité. L’habitude de marcher en baissant la tête, de ne pas se faire remarquer, de ne pas provoquer l’ennemi. Le décor est planté.
Et la vie continue, malgré cette menace permanente. Certes, l’organisation du quotidien a changé. Il faut s’habituer aux couvre-feux, aux guerres ethniques, aux frontières à l’intérieur du pays, s’habituer à n’avoir "nulle part où aller". Les personnages d’Assef Soltanzadeh restent malgré tout étonnamment optimistes. Ainsi, un destin peut se jouer sur une partie de cartes, symbole de l’absurdité de cette répression. Regarder la mort en face et s’y préparer fait partie du quotidien.
La guerre prend toujours le dessus. Un jeune homme fâché avec son oncle est pressé par les siens de recoller les morceaux le jour de son mariage. Car le mariage représente un moyen d’"oublier la guerre, même si ce n’est que le temps d’une soirée". Il accepte donc de traverser la ville en voiture pour aller chercher son oncle. Mais le pays a changé, et les postes de contrôle sont partout. C’est désormais un autre conflit qui l’attend, un autre ennemi, rendant ridicules et anecdotiques les fâcheries familiales.
Ainsi, ce magicien défié par un autre qui se met en tête de faire disparaître un char russe, dans un sursaut d’orgueil et de folie. Moment de féerie pour les spectateurs, défi ultime pour le vieux Baba qui a toujours enchanté les rues de Kaboul, comme si les traditions et les coutumes pouvaient faire plier l’ennemi. Certains textes sonnent comme de longs poèmes gorgés de candeur. L’amour devient à son tour une réponse à la peur. La question est de savoir si la puissance des sentiments peut aider à traverser l’existence comme si de rien n’était, dans un état d’apesanteur et de naïveté permanent.
Les personnages possèdent tous un petit grain de folie, une soif de vie qui les aide à ne pas perdre pied. Chacun se bat avec ses propres armes, si dérisoires soient-elles. Chaque nouvelle baigne dans l’atmosphère merveilleuse propre aux contes orientaux, à mi-chemin entre le rêve et la réalité. Soltanzadeh en joue de façon permanente, inscrivant ses récits dans une ambiance onirique à chaque fois brisée par la peur et la guerre. Il nous raconte l’histoire d’un peuple fatigué, qui résiste et espère. La littérature devient symbole de cette résistance, comme l’ultime et vaine réponse à un conflit absurde.
Assef Soltanzadeh, Perdus dans la fuite, nouvelles traduites du persan (Afghanistan) par Sorour Kasmaï (et al.), Actes Sud, 2002, 180 pages, 18,50 €
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