Le 13 août 2024
Le prequel de X est un film d’horreur jubilatoire, hommage aux séries B d’antan tout autant que métaphore subtile des frustrations de l’Amérique profonde.
- Réalisateur : Ti West
- Acteurs : Mia Goth, David Corenswet, Tandi Wright, Matthew Sunderland, Emma Jenkins-Purro, Alistair Sewell
- Genre : Épouvante-horreur
- Nationalité : Américain, Canadien
- Editeur vidéo : Universal Pictures Video
- Durée : 1h43mn
- VOD : Univers Ciné, Canal VOD, VIVA, PremiereMax, FILMO, Netflix
- Festival : Festival de Venise 2022, NIFFF 2024
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– Sortie VOD : 15 août 2023
Résumé : Piégée dans la ferme isolée de sa famille, Pearl doit s’occuper de son père malade sous le regard autoritaire de sa mère dévote. Désireuse de mener une vie glamour comme elle l’a vu dans les films, Pearl voit ses ambitions limitées... ce qu’elle n’apprécie pas du tout !
Critique : Prequel de X, surprenant film d’horreur distribué en France en novembre 2022, Pearl avait été tourné dans la foulée mais n’a pas connu de sortie commerciale sur grand écran, malgré ses qualités et sa sélection dans divers festivals dont la Mostra de Venise et le NIFFF. La suite de X, MaXXXine, ayant été distribuée l’été 2024, l’ensemble forme déjà une trilogie, que d’aucuns pourront qualifier de culte dans quelques années, si l’expression n’avait pas été galvaudée. En tout cas, espérons qu’un distributeur (Kinovista, Condor ou autre) prenne l’initiative de faire découvrir Pearl au cinéma, le métrage méritant mieux que le DVD ou les plateformes en ligne. Précisons que les trois films peuvent être vus isolément, et qu’il n’y a pas véritablement d’ordre à conseiller pour leur visionnage. Mais chaque zone d’ombre de Pearl, X ou MaXXXine peut être éclairée par des points de narration des deux autres. Qu’en est-il du pitch de Pearl ? Le scénario (coécrit par Ti West et l’actrice principale, Mia Goth) nous plonge dans les années de jeunesse de Pearl, la vieille femme dérangée de X, que Mia Goth interprétait avec des tonnes de maquillage. Coincée dans sa ferme familiale du Texas, Pearl doit s’occuper de son père invalide et subit les brimades de sa mère (Tandi Wright), une Allemande bigote et rigide, sorte de mixte entre Norma Bates et le personnage de Piper Laurie dans Carrie.
- © 2022 A24, Little Lamb, Mad Solar Productions. Tous droits réservés.
La frustration envahit alors la protagoniste. Car Pearl, dont le jeune mari est au front, rêve d’être danseuse et de devenir une star. Quand un bellâtre projectionniste (David Corenswet) lui promet de l’emmener à Hollywood et lorsque sa jolie belle-sœur (Emma Jenkins-Purro) lui propose de participer avec elle à un concours de danse, Pearl se voit déjà en haut de l’affiche, quitte à passer par tous les moyens… Le récit est limpide et efficace, loin de la surcharge narrative de nombreux films d’horreur contemporains, Ti West ayant en outre retenu la leçon d’un Hitchcock qui préférait faire monter la pression dans la première partie de ses films, pour entrer au cœur de la pure action (ou horreur) au bout de trois bons quarts d’heure (Psychose, Les oiseaux). Ici, c’est le comportement de la jeune fille envers une oie, dès le pré-générique, qui laisse présager sa sombre personnalité au-delà de ses allures de midinette naïve, même si le spectateur ayant vu X se doute que le pire est à venir…
- © 2022 A24, Little Lamb, Mad Solar Productions. Tous droits réservés.
Au-delà de son efficacité, l’histoire peut être lue comme une métaphore des névroses d’une certaine Amérique profonde, celle de la ruralité et des laissés-pour-compte, perpétuels losers de l’american dream, et qui se révèlera des décennies plus tard avec le trumpisme. Et pour qui aura découvert Pearl après X et MaXXXine, le film établit de troublantes correspondances, de la brève référence à la star des années 1910 Theda Bara, au statut du cinéma pornographique, qui existait sous une forme clandestine à l’ère du cinéma muet. Il faut préciser que Pearl, comme les deux autres segments, propose beaucoup de clins d’œil à la cinéphilie, d’une relecture subversive du Magicien d’Oz (la danse érotique de Pearl avec un épouvantail) à la régression infantile de Qu’est-il arrivé de Baby Jane ? (Mia Goth a d’ailleurs des faux airs de Bette Davis). Et c’est presque explicitement, mais subtilement, que Ti West évoque le coronavirus (qui subissait en 2021), lorsque son récit établit une digression sur les contaminations de la grippe espagnole… Signalons aussi la qualité du travail des collaborateurs techniques, dont le directeur photo Eliot Rockett et les compositeurs Tyler Bates et Tim Williams, qui rendent respectivement hommage au Technicolor flamboyant et au lyrisme musical d’un Miklós Rózsa. On aura compris que Pearl est un régal et l’un des meilleurs films de Ti West, nouveau petit maître du genre. Si son œuvre est inégale, on lui doit d’autres réussites comme The Sacrament et The House of the Devil.
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