Le 24 mars 2015
Un petit film étrange, aigre-doux, qui donne une image pertinente de la difficulté d’être un homme dans le monde contemporain.
- Réalisateur : Hafsteinn Gunnar Sigurdsson
- Acteurs : Helgi Björnsson, Björn Thors
- Genre : Comédie, Drame, Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Danois, Islandais
- Durée : 1h35mn
- Date de sortie : 25 mars 2015
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Un petit film étrange, aigre-doux, qui donne une image pertinente de la difficulté d’être un homme dans le monde contemporain.
L’argument : Hugi, 31 ans, est remplaçant dans l’école d’un petit village islandais perdu au milieu de nulle part. Il assiste régulièrement à des réunions des Alcooliques Anonymes, apprend le portugais par internet et s’accommode d’une vie amoureuse plutôt terne. Son père Veigar, un aventurier de retour de Thaïlande, va venir bousculer une vie un peu trop tranquille.
Notre avis : Hugi, instituteur dans un petit village islandais, court longuement devant les petites maisons et les décors délabrés ; Hugi joue au foot avec Albert, un de ses élèves ; Hugi participe à des réunions d’alcooliques anonymes à trois ; Hugi se remet mal d’une rupture avec une femme qui est partie vivre au Portugal, et il apprend le portugais ; Hugi regarde la télé, fréquente plus ou moins Erna, à qui, lorsqu’elle lui demande si elle l’intéresse, il ne sait pas répondre. Alors elle le quitte. Difficile d’imaginer plus terne existence, isolée dans cet espace réduit où l’on tombe toujours sur les mêmes personnes. Si Hugi s’ennuie, il n’est pas le seul. Tout et tout le monde autour de lui, que ce soit Richard, père immature et inactif, son propre père, donneur de leçons maladroit, suinte l’ennui et le désœuvrement. Un autre père arrive, celui de Hugi, que son fils n’arrive pas à éviter ni à mettre dehors. On l’a compris, le film parle de la condition masculine aujourd’hui : le personnage féminin est à peine esquissé. Reste ce quatuor, incapable d’assumer son âge, empêtré dans des occupations aussi dérisoires que répétitives. Les hommes sont ici prisonniers autant d’un village quasi carcéral que d’un présent immuable, morne. Ils vivent un jour sans fin, où l’espoir est absent.
© Arizona Films
Du point de vue du scénario, une intrusion était nécessaire pour bouleverser cet ordre établi, mis en scène dans des séquences peu découpées : ce sera Veigar, aventurier désabusé pour lequel « la vie est une farce », sans domicile, séducteur au bout du rouleau. C’est lui qui est le plus lucide, avec l’enfant : il voit à la fois la beauté de la montagne et l’inanité de l’existence de son fils. Là où Hugi peine à exprimer ses sentiments et à garder Erna, lui invite sans argent et emballe sans peine. Il sert de révélateur, mais aussi d’élément de transformation : son fils, passif et incapable de prendre une décision, va trouver une hypothétique autre voie, que la fin ne nous dévoile pas.
Par moments, Paris of the north a des allures de traité de sociologie : les adulescents, l’incommunicabilité, la difficile place de l’homme, père ou enfant, le statut d’adulte attribué à un gamin … On retrouve tous les diagnostics de notre société, établis, étudiés, rabâchés dans des émissions de témoignages. Ce qui fait la différence, ici, c’est d’abord le ton : un humour à froid, plus tendre que drôle, qui permet de ne pas sombrer dans le désespoir et une distanciation que permet souvent le plan général ; on n’est pas loin de Tati quand Hugi jette, en un geste de révolte, un canette vide, avant de se reprendre et de la mettre à la poubelle. Le décalage est permanent : les réunions à trois sont des fiascos, l’amour est impossible ou ridicule (on apprendra l’utilisation surprenante qu’on peut faire d’un élastique). Ce regard porté sur des personnages attachants mais paumés vaut également par une mise en scène attentive, centrée sur les humains, même si le plan récurrent de la montagne, qui rappelle certains films d’Ozu, est là pour souligner la vanité de toute cette agitation.
© Arizona Films
Au final, Paris of the north est un film bien étrange : quelques séquences détonnent, telles celle dans le gymnase, véritable défouloir, comme l’est la destruction de la terrasse. Mais l’ensemble repose sur le ressassement, la répétition : il faut donc accepter ce parti-pris pour l’apprécier, scruter les détails, les nuances dans le jeu remarquable des acteurs, se laisser aller à un rythme lent, à la limite de la mollesse. À ce prix, on embarquera pour un voyage à la fois étonnant, du point de vue géographique, et universel du point de vue humain. Et la fin, apaisée, nous rappelle en un plan ambigu qu’il y a peut-être une échappée possible, mais que la mer, le brouillard, la neige, forment des frontières sur lesquelles on ne peut sans doute que buter.
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