Ombre portée
Le 4 août 2018
La violence de situations routinières trouve son paroxysme devant la caméra de Hafsteinn Gunnar Sigurðsson. Le cinéma islandais fait montre d’un regard particulièrement aigu sur notre monde, ce qui en fait l’un des plus avisés du moment.
- Réalisateur : Hafsteinn Gunnar Sigurdsson
- Acteurs : Sigurður Sigurjónsson, Steinþór Hróar Steinþórsson, Edda Björgvinsdóttir, Þorsteinn Bachmann
- Genre : Thriller, Comédie noire
- Nationalité : Islandais
- Durée : 1h28mn
- Titre original : Undir Trénu
- Date de sortie : 15 août 2018
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Résumé : Atli, accusé d’adultère par sa femme, est forcé d’emménager chez ses parents. Il se retrouve malgré lui plongé au sein d’une querelle de voisinage, dont le déclencheur est l’ombre imposante d’un arbre entre les deux maisons. Leur banal conflit se transforme en guerre sans pitié.
Notre avis : Il y a encore quelques années, lorsque l’on évoquait le cinéma islandais, le tour de la question était vite ficelé. Il semble que la Terre de Glace ait depuis peu réveillé sa fibre cinématographique, restée trop longtemps sous la tutelle danoise –dont l’influence reste évidente. Alors que ce sont succédé le magnifique Heartstone vient de sortir en DVD et l’excellent Woman at War, un nouveau film venu de Reykjavik arrive sur nos écrans. Produit par la même société qui avait déjà conçu Béliers, Under The Tree a, sur le papier, tout de la petite comédie politiquement correcte et son affiche qui met en avant les animaux domestiques des personnages principaux du film appuie cette idée d’avoir affaire à une farce des familles. Il ne faut pas se fier à cette communication car l’humour islandais ne laisse que peu de place à la gaudriole formatée et puérile, et ça, il suffit de la scène d’introduction, faite de sexe et de fureur, pour s’en rappeler.
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La volonté de Hafsteinn Gunnar Sigurðsson de filmer l’escalade de la violence au cœur d’un quotidien moribond se traduit par un scénario construit à la façon d’un film choral. En l’occurrence, il se scinde en deux trames concomitantes : une première suivant un jeune homme en pleine procédure de divorce conflictuelle et une seconde suivant les parents de celui-ci dans leur pugilat de voisinage. Mais alors que les deux intrigues se développent parallèlement, elles sont traitées avec deux tons si différents que l’on en arrive, à mi-parcours au moins, à douter de ne pas être face à deux films mêlés en un seul. Un résultat d’autant plus bancal que, si l’histoire du divorce est convenue car peu propice à la cruauté cinglante, celle consacrée à la rivalité entre voisins profite d’un développement riche en surprises.
Mis en scène à la façon d’un thriller captivant, appuyé par une musique singulièrement anxiogène et une chape de mystère, que l’on peut se plaire à attribuer à une part de fantastique (un fantôme farceur en l’occurrence !), cet antagonisme profite de cet humour noir très islandais. Un humour si féroce qu’il est même par moments nécessaire d’en être amateur pour le trouver jouissif plutôt qu’en être choqué : s’en prendre aux animaux est un tabou qu’il est rare de voir transgressé. A sa façon, le réalisateur réussit à parfaitement capter la tension qui monte et la brutalité frénétique au moment où elle éclate.
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Ainsi, même si l’ensemble du long-métrage n’est pas fait du même bois, son arc principal profite d’une étude terriblement acide des rapports sociaux. Malgré les failles de sa partie "comédie de mœurs", Under The Tree est avant tout une fable qui pointe du doigt avec quelle fatalité le vernis de nos sociétés policées ne peut que finir par craqueler et révéler nos pires instincts bestiaux. Bien qu’on puisse toujours pinailler du fait que le déroulé de ce jeu de massacre limite la violence physique aux hommes et psychologique aux femmes, cette petite démonstration « d’asociologie appliquée » peut aisément être lue comme la métaphore de n’importe quel conflit qui agite notre monde. Et le choix d’un arbre, objet sacré dans toutes les cultures, comme point de départ du conflit en renforce plus encore l’universalité. Un constat qui fait froid dans le dos, mais que les jeux de regards et de non-dits parviennent à rendre drôle. Peut-être justement parce que l’on s’y reconnait.
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