Du silence et des ombres
Le 22 janvier 2023
Le film aux neuf Goya : un choc espagnol à ne manquer sous aucun prétexte ! Le goût amer d’un passé tortueux dont l’Espagne n’arrive toujours pas à se défaire. Derrière l’intrigue complexe et captivante se dessine en filigrane la perte de l’innocence enfantine. Régalant jusqu’à la dernière miette...
- Réalisateur : Agustí Villaronga
- Acteurs : Eduard Fernández, Sergi López, Laia Marull, Roger Casamajor, Nora Navas, Francesc Colomer
- Genre : Drame
- Nationalité : Espagnol
- Distributeur : Alfama Films
- Durée : 1h48mn
- Titre original : Pa negre
- Date de sortie : 24 août 2011
- Festival : Brussels Film Festival
Résumé : En Catalogne, les années qui suivent la guerre civile en Espagne, marquées par la violence, et vues à travers les yeux d’un petit garçon de dix ans dont le père est injustement accusé de meurtre...
- © Alfama Films
Critique : Concourant aux côtés de Buried, Balada triste de trompeta et Même la pluie, Pa negre a pratiquement tout raflé sur son passage puisqu’il a engrangé pas moins de neuf récompenses lors de la cérémonie des Goya 2011 (les César espagnols). Moins d’un an après le joli succès rencontré dans les salles de son pays, gageons que les statuettes glanées par Pa negre feront le poids face au nouvel opus très esthétique de Pedro Almodóvar, La piel que habito, qui sort presque conjointement sur les écrans français. Rien n’est moins sûr quand on sait que le dernier film de l’excellent Julio Medem, Room in Rome, n’a même pas eu l’opportunité de voir le jour au cinéma. Pourtant, la production ibérique actuelle ne se limite pas aux seuls noms d’Almodóvar et Amenábar, ou encore à une incursion des plus récentes dans le domaine fantastique ([Rec], L’orphelinat, pour ne citer que les plus marquants). Pa negre (Pain noir en catalan) est l’occasion de (re)découvrir Agustí Villaronga qui n’en est pas à ses premiers balbutiements artistiques. Le réalisateur majorquin prolonge son exploration de la monstruosité humaine, entamée avec le vénéneux Tras el cristal en 1986 et poursuivi, entre autres, dans El mar (2000), et dans quelle mesure les répercussions sociales et morales envers l’entourage proche seront catastrophiques et irréversibles.
- © Alfama Films
À cet égard, il fait écho aux affres de l’enfance en disséquant les raisons originelles pouvant transformer ce jeune être en un hypothétique adulte psychologiquement défaillant. Précisément, la présence de Roger Casamajor est d’autant plus troublante qu’il apparaît comme le fil rouge entre ces deux œuvres. Dans El mar, il est Andreu, un des jeunes adultes aux pulsions meurtrières, tandis qu’ici, il tient le rôle du père d’Andreu (sans aucun rapport avec l’autre), lequel est directement désigné comme le coupable idéal dans une affaire de meurtre. Entremêlant trois romans de l’écrivain Emili Teixidor, Villaronga brouille vite les pistes en reléguant au second plan une histoire de règlements de comptes minant les habitants d’un village catalan qui prend sa source dans les convictions politiques des uns et des autres en pleine tourmente de la guerre civile. La force de ce récit initiatique d’une puissance psychologique rare est de se placer à hauteur du héros âgé d’à peine onze ans, premier témoin oculaire sur le lieu du crime, qui voit peu à peu d’un tout autre œil le monde des grandes personnes parsemé de secrets et de zones d’ombre. Autant le dire tout de suite, l’épilogue fait froid dans le dos. Et l’on comprend dès lors mieux pourquoi l’Espagne n’a pas fini de panser ses blessures...
- © Alfama Films
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roger w 20 août 2011
Pain noir - Agustí Villaronga - critique
Vu en avant-première en présence du réalisateur, Pain noir est un film magnifique dont le discours toujours ambigu évite les clichés et les idées toutes faites. Si l’on peut regretter un certain éparpillement de l’intrigue (un mélange pas toujours cohérent de trois romans), la réalisation somptueuse, le jeu intériorisé des acteurs et l’ambiance ouatée entre rêve et réalité emportent l’adhésion. Une confirmation de plus de notre amour pour le cinéma ibérique.
Frédéric Mignard 30 août 2011
Pain noir - Agustí Villaronga - critique
La quintessence du cinéma espagnol : lyrique, littéraire, mystique... L’excellence des décors, de l’interprétation, de la réalisation et de l’écriture font du dernier Agusti Villaronga l’une des plus belles oeuvres de l’année.
evil_owl 30 août 2011
Pain noir - Agustí Villaronga - critique
Un film tout en subtilité évoquant la perte de l’innocence d’un jeune garçon confronté à la noirceur et à la bassesse humaine dans l’Espagne paysanne du milieu des années 40. Nous ne sommes pas dans la comédie dramatique grandiloquente au pathos affecté ; bien au contraire. Poignant, le film bénéficiant d’une histoire à la construction intelligente, malgré quelques moments de flottement, associée à une belle photographie pour mettre en valeur le décor campagnard et les rares intérieurs bourgeois, met intelligemment en lumière la transformation psychologique du personnage principal.