Le nouveau monde
Le 5 janvier 2012
A partir d’un événement récent - la "révolte de l’eau" en Bolivie au début des années 2000 -, la réalisatrice espagnole Icíar Bollaín compose un film intelligent, dont les efforts de mise en scène compensent des faiblesses de scénario et quelques tendances au manichéisme...
- Réalisateur : Icíar Bollaín
- Acteurs : Gael García Bernal, Luis Tosar, Juan Carlos Aduviri
- Genre : Drame
- Nationalité : Espagnol, Français, Mexicain
- Durée : 1h44mn
- Titre original : También la lluvia
- Date de sortie : 5 janvier 2011
- Plus d'informations : Le site du distributeur
A partir d’un événement récent - la "révolte de l’eau" en Bolivie au début des années 2000 -, la réalisatrice espagnole Icíar Bollaín compose un film intelligent, dont les efforts de mise en scène compensent des faiblesses de scénario et quelques tendances au manichéisme...
L’argument : Sebastian, jeune réalisateur passionné et son producteur arrivent dans le décor somptueux des montagnes boliviennes pour entamer le tournage d’un film. Les budgets de production sont serrés et Costa, le producteur, se félicite de pouvoir employer des comédiens et des figurants locaux à moindre coût. Mais bientôt le tournage est interrompu par la révolte menée par l’un des principaux figurants contre le pouvoir en place qui souhaite privatiser l’accès à l’eau courante. Costa et Sebastian se trouvent malgré eux emportés dans cette lutte pour la survie d’un peuple démuni. Ils devront choisir entre soutenir la cause de la population et la poursuite de leur propre entreprise sur laquelle ils ont tout misé. Ce combat pour la justice va bouleverser leur existence.
Notre avis : En Amérique du Sud, au beau milieu de la jungle et des montagnes, un tournage vire au cauchemar ; c’est le scénario classique qu’aurait pu vivre Icíar Bollaín, si elle n’avait pas pris soin de le conjurer en en faisant l’intrigue de son film. Sept ans après Ne dis rien - chronique glaçante de la violence conjugale -, la réalisatrice s’intéresse à un autre rapport de domination, celui instauré par la colonisation espagnole sur les Indiens... Et ce qui pourrait être son symétrique contemporain, la privatisation progressive de l’eau bolivienne par une grosse compagnie mettant à sa merci une population déjà défavorisée. Le chemin parcouru par la cinéaste n’est pas des moindres : marquée par des partis pris visuels forts, sa mise en scène a indéniablement mûri et gagné en dynamisme. Le pari du « film dans le film », toujours risqué mais ici entièrement assumé, propose un jeu de va-et-vient assez subtil entre un temps qui ne relève pas tout à fait de l’histoire (la découverte du « Nouveau Monde », rendue à l’écran de manière volontairement spectaculaire), et un autre qui se situe lui-même au-delà de la fiction (la « révolte de l’eau » a bien eu lieu en Bolivie dans les années 2000). Sans quitter la terre sud-américaine, le film se réoriente constamment vers le point aveugle de l’identité espagnole, cette « mémoire » oubliée des siècles passés, quand Madrid régnait sur le monde par ses découvertes et ses nouvelles conquêtes, écrasant au passage quelques hordes de « sauvages » hérétiques.
- © Haut et Court
On ne sera pas surpris de découvrir derrière le propos très politique et vindicatif de Même la pluie la plume de Paul Laverty, le scénariste de Ken Loach, qui s’offre ici une autre tribune cinématographique. Il est toutefois dommage que ses ambitions scénaristiques ne soient pas distribuées de manière égale sur tous les personnages, d’autant que le casting l’aurait amplement mérité : l’excellent Luis Tosar assure comme il peut son rôle de « faux méchant », tandis que Gabriel García Bernal reste effacé derrière sa casquette de minet réalisateur. Ironie de l’intrigue : dans le film que réalise le personnage de Sebastian, comme dans le « vrai » film de Bollaín, c’est le Quechua militant, Juan Carlos Aduviri, qui crève l’écran, en imposant une présence physique et symbolique d’une force rare, au nom de toute la communauté indienne. Pourtant, à force de nuances et d’ellipses, le film aboutit à un paradoxe : il effleure bien souvent l’événement historique de la révolte de l’eau, de même que les acteurs politiques censés être en son cœur. Entre intention documentaire et réalisation fictionnelle, on se laisse donc porter au hasard, à l’image de Sebastian et son équipe, partis à l’aventure en Bolivie ; et avec les ambitions esthétiques de Même la pluie, et les qualités qui y répondent, il faut reconnaître qu’une telle escapade est loin d’être désagréable.
La bande-annonce :ICI
- © Haut et Court
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Frédéric de Vençay 11 février 2011
Même la pluie - la critique
Une histoire maligne et brillamment menée, sur un scénario de Laverty (ici en grande forme). Le film établit des ponts très forts entre les époques, mais propose également une réflexion passionnante sur le 7e Art, la passion qu’il représente, les sacrifices qu’il exige, ses puissances du faux : en bref, "También la lluvia" nous parle aussi bien de politique que de cinéma, et c’est une très bonne surprise. La mise en scène d’Iciar Bollain, entre puissance lyrique et aspect semi-documentaire, compose quelques grands moments de tension et de beauté. Acteurs excellents, en particulier Luis Tosar, charismatique à souhait.