Opération Thunderbolt
Le 1er mai 2018
Commencer aux côtés des révolutionnaires pro-palestiniens. Finir aux cotés des hommes d’État israéliens. Et les mettre au passage tous sur un pied d’égalité. Une telle approche consensuelle d’un sujet aussi polémique est fatalement rédhibitoire.
- Réalisateur : José Padilha
- Acteurs : Daniel Brühl, Rosamund Pike, Eddie Marsan, Denis Ménochet
- Genre : Drame, Historique, Politique
- Distributeur : UGC Distribution, Orange Studio
- Durée : 1h47mn
- Titre original : 7 days in Entebbe
- Date de sortie : 2 mai 2018
- Festival : Festival de Berlin 2018
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Résumé : Une nouvelle adaptation du raid d’Entebbe, au cours duquel deux Palestiniens et deux Allemands ont pris un avion en otage et l’ont détourné vers Entebbe (Ouganda). Sur place, ils ont demandé la libération de douzaines de Palestiniens et de prisonniers pro-palestiniens.
Notre avis : Etrangement, le détournement du vol Air-France reliant Tel Aviv à Paris le 27 juin 1976, et dont la moitié des passages étaient français, est un événement qui semble avoir peu marqué dans l’Hexagone. Il n’a en tous cas inspiré aucun réalisateur français alors que deux films américains et un autre israélien lui ont déjà été consacrés. Aujourd’hui, c’est au tour du Brésilien José Padilha de s’intéresser à cet événement. Celui dont on a apprécié le diptyque ultra-violent Troupe d’élite mais bien moins le passage par la case Hollywood qui a engendré Robocop, et qui depuis a travaillé sur la série Narcos, tente une approche différente des précédents films qui prenaient tous le point de vue des Israéliens libérant victorieusement les otages. Le parti-pris audacieux de Padilha est de chercher à s’attacher à chacun des protagonistes de l’histoire, dans une optique de multiplication des points de vue qui n’est pas sans rappeler le travail de Paul Greengrass sur Vol 93 à la différence que son montage est construit de façon à changer de personnages principaux au fil de l’histoire, commençant par les révolutionnaires d’extrême-gauche qui détournent l’avion.
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C’est d’ailleurs le nom des deux acteurs qui prêtent leurs traits aux preneurs d’otage allemands qui trônent en haut de l’affiche du film. Daniel Brühl et Rosamund Pike sont ces deux terroristes sur lequel le scénario va s’attacher pendant toute la première partie du long-métrage, laissant d’ailleurs leurs alliés du Front populaire de libération de la Palestine au rang de personnages secondaires. Il va même jusqu’à leur consacrer l’unique flashback du récit, essayant ainsi de justifier leur acte. Le flashback en question va cependant manquer en enjeux et révélations, au point de ne strictement rien apporter à l’intrigue principale qu’est ce détournement d’avion. Les relations tumultueuses entre ces deux membres des Cellules Révolutionnaires ainsi que leur ressenti plein de doute et de culpabilité, qui sont les éléments qui semblent dans un premier temps être le cœur dramatique de cette reconstitution, vont être peu à peu noyées dans la multiplication des points de vue. Désireux de s’intéresser aux otages, Padhilla ne va cependant faire que rendre certains d’entre eux à peine plus anecdotiques que la centaine de figurants qu’il a réunis. C’est le cas de la Britannique qui fait croire d’être enceinte avant de disparaître, de la mère de famille qui a peur d’être séparée de ses enfants mais qu’on ne reverra plus ensuite, de ce juif qui est tabassé car accusé d’être un espion mais dont on ne saura rien ou de cette rescapée des camps de la mort qui sert à exacerber la perplexité du preneur d’otage.
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S’il y a un otage qui sort du lot, c’est assurément le mécanicien français incarné par Denis Ménochet. Cet homme que le réalisateur a tenu à présenter comme courageux et déterminé peut même sembler dans un second temps être le véritable héros du film, ou du moins celui à qui les spectateurs pourront se rattacher. Mais ce serait sans prendre en compte que, sans que l’on s’y attende forcément, Padhilla va peu à peu détacher son récit de cette prise d’otage pour aller de plus en plus s’attacher –exactement comme l’avaient fait les précédents films sur le sujet– aux organisateurs du raid israélien alors que les terroristes apparaissent de plus en plus comme des amateurs incapables de tenir leur mission jusqu’au bout. Sa fascination pour Yitzhak Rabin et Shimon Peres (respectivement incarnés par Lior Ashkenazi et un Eddie Marsan lourdement grimé), qu’il filme dans des contre-plongées gratifiantes, va ainsi faire de leur propre relation conflictuelle le cœur dramatique de la seconde moitié du film. Curieusement, les difficultés à négocier avec les preneur d’otages seront à peine évoquées, le réalisateur leur préférant des échanges avec un Idi Amin Dada qui apparaît comme un véritable guignol.
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Ainsi, plus le film avance et plus il se transforme en un plaidoyer pour justifier l’opération militaire mandatée par le gouvernement israélien tandis que les autres pays (à commencer par la France bien sûr) paraissent comme incompétents face cette crise et que les preneurs d’otage perdent rapidement –dans un étonnant phénomène de syndrome de Stockholm inversé– la sympathie du public. On avait d’abord pensé à Vol 93 mais si le film doit être comparé, c’est à Munich, dont il est la parfait antithèse dans cette optique consensuelle de vouloir rendre acceptables les actions de chacun des protagonistes en présence. L’inévitable climax étant l’attaque finale, Pahilla fait le choix, encore une fois surprenant, de la monter en parallèle à un spectacle de danse. Un parti-pris certes superficiel mais qui parvient à apporter à ce dernier quart d’heure une dynamique enthousiasmante. Cette énergie ne réussit pourtant pas à faire fermer les yeux sur le fait que l’épilogue oublie au passage certains personnages auxquels nous avions réussi à nous attacher (à commencer par ce mécanicien français dont on aurait aimé savoir ce qu’il allait devenir) mais ne fait que ne confirmer ce que nous soupçonnions depuis déjà près d’une heure, à savoir que les vrais héros du film sont au gouvernement israélien, comme dans un pur objet de propagande.
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