L’année de tous les dangers
Le 4 septembre 2022
Avec Munich, grand film audacieux et rutilant, Spielberg confirme simplement qu’il est le plus grand réalisateur actuel.
- Réalisateur : Steven Spielberg
- Acteurs : Marie-Josée Croze, Daniel Craig, Geoffrey Rush, Mathieu Kassovitz , Mathieu Amalric, Valeria Bruni Tedeschi, Yvan Attal, Eric Bana , Hiam Abbass, Michael Lonsdale, Ciarán Hinds
- Genre : Drame, Historique, Politique
- Nationalité : Américain
- Distributeur : UIP (United International Pictures)
- Editeur vidéo : Universal Pictures Video
- Durée : 2h40mn
- Date télé : 4 septembre 2022 20:55
- Chaîne : Arte
- Genre : Espionnage
- Date de sortie : 25 janvier 2006
Résumé : Les 5 et 6 septembre 1972, à Munich, huit Palestiniens du groupe terroriste Septembre noir prenaient en otage des membres de la délégation israélienne lors des Jeux olympiques : onze athlètes y trouvèrent la mort...
Critique : Après l’impressionnante Guerre des mondes où Spielberg revisitait le chef-d’œuvre littéraire de H.G. Wells et édifiait une parabole d’une Amérique post-11 Septembre gangrenée par la paranoïa aiguë et la peur de l’étranger, Munich, son nouveau film, confirme la prolixité d’un cinéaste qui ne cesse d’édifier des grands films. La mise en scène atteste cette virtuosité : elle atteint des sommets, avec des mouvements de caméra impressionnants, et transcende des situations qui, sur le papier, pourraient sembler anodines. Par une profusion d’éléments, Spielberg parvient à retranscrire le chaos dans la plus banale des banalités, à sonder les angoisses souterraines, à pointer les traquenards sournoisement ourdis dans un écrin faussement serein.
Le cinéaste instille une insoutenable tension paranoïaque qui broie les viscères. La force de suggestion est telle qu’on a l’impression constante qu’une bombe est prête à exploser (le spectateur est sur le qui-vive). Beaucoup ont reproché à Spielberg de plaquer des codes fictionnels sur une histoire vraie, et d’être manichéen. Or, sa démarche suit le chemin inverse : il ne fait qu’amplifier l’humanité chez des personnages qui, ailleurs, auraient sans doute été traités comme de la chair à canon. On sait que Spielberg aime à faire dans la morale. Ici, il ne fait que souligner que personne n’est ni bon ni mauvais. Ce que le cinéaste montre du doigt, c’est la connerie vengeresse qui anesthésie le cerveau et stimule la paranoïa. En creux, comme toujours chez le réalisateur, les résonances sont actuelles. Cette histoire permet de décortiquer le conflit israélo-palestinienmais Spielberg, comme dépassé par son dispositif filmique, tombe dans une impasse annoncée par le montage parallèle des athlètes israéliens assassinés avec l’énumération des cibles palestiniennes du Mossad. C’est la confirmation que le réalisateur broie du noir : son regard sur le monde est de plus en plus sombre. L’enfant qui refusait de grandir s’est mué en adulte neurasthénique conscient des horreurs du monde.
Mais Munich n’est pas qu’un film politique qui par ailleurs fustige toute notion d’exposé didactique. C’est surtout un objet de cinéma ludique qui, s’il n’évite pas quelques scories (baisse de régime dans le dernier tiers de bobine, élans mélodramatiques...), se situe en permanence au-dessus de la production actuelle. Il y a dans Munich suffisamment de substance pour nourrir les scénarios de dix films actuels. La toile de fond politique peut presque être considérée comme un cache-sexe qui permet au cinéaste de revisiter deux genres précis (le film d’espionnage et le polar) et par intermittences d’en bouleverser les codes (Marie-Josée Croze fait une apparition brève mais marquante en femme fatale) dans un contexte explicite (le fait que l’action se passe dans les années 70 exige un travail de reconstitution soigné et minutieux). Munich constitue également une aubaine pour les acteurs qui trouvent matière à étayer des personnages complexes. Spielberg s’autorise de vraies audaces de cinéma comme celle de confronter, dans un dialogue quasi surréaliste, Michael Lonsdale et Eric Bana. Dans les seconds rôles, c’est Daniel Craig qui se distingue sans doute parce qu’il révèle un talent insoupçonné pour jouer autre chose que les personnages unilatéraux.
Devant ce spectacle riche et ambitieux, qui foisonne de thèmes et ridiculise toute forme de concurrence, le spectateur ne peut que se réjouir de ressentir cette sensation devenue trop rare d’être le témoin d’un grand moment de cinéma. Que ce soit d’un point de vue politique, narratif ou formel, Spielberg n’a jamais pris autant de risques tout en les assumant jusqu’au bout. Certains ne le lui pardonnent pas, mais on n’aime pas féliciter les élèves trop brillants. Il fait du cinéma et le fait mieux que les autres.
Le DVD
Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Timides ces suppléments, étant donné la complexité du sujet posé. Un ersatz de making of (seulement une dizaine de minutes) survole le tournage et se contente de présenter les grandes lignes à travers les personnages. Très sympa de savoir qu’un vrai sentiment de camaraderie a animé les acteurs, mais cela est un peu maigre quant aux intentions artistiques de Steven Spielberg. Ce dernier se fend en outre d’une introduction à son film, revenant sur sa volonté de décrypter, avec une histoire foncièrement humaine, les rouages du crime. Une édition DVD anecdotique en somme.
Image & son : Excellent travail d’Universal qui nous présente le film tel que découvert en salles. L’image ne laisse aucun défaut venir parasiter le visionnage. Même constat pour le Dolby Digital d’une très grande classe grâce à un relief tout en profondeur des effets sonores.
Galerie photos
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darkangel 22 janvier 2006
Munich - Steven Spielberg - critique
Depuis un an, j’ai suivi le développement et la pré production de ce projet en me demandant de quoi Spielberg allait bien pouvoir accoucher. Aucun producteur jouissant de toutes ses facultés mentales ne voudrait traiter un événement sanglant opposant israeliens et palestiniens.
D’abord parce que l’ére du cinéma intelligent est terminée depuis deux décennies. Aujourd’hui le public ne plébiscite que des films de genre, rigolos effrayants ou spectaculaires.
Ensuite, parce que le film est certain de s’aliéner une partie de la planète, quelle que soit la façon de relater les événements.
Spielberg a beau être l’homme le plus puissant du cinéma mondial, il ne peut ignorer le risque financier inhérent à un film aussi polémique. On savait dès le départ qu’il coutournerait en partie l’obstacle en utilisant la même tactique que pour La Liste de Schlinder. Glissant subtilement d’un film sur le génocide à un film sur un allemand courageux qui sauve des centaines de personnes du génocide.
Munich traite les doutes et les peurs des agents secrets du Mossad chargés d’abattre les terroristes palestiniens impliqués dans l’attentat de Munich. Spielberg esquive l’attentat lui-même en adoptant une regard extérieur sur lévénement.
Le film sera malgré tout un échec financier. Lancé dans une petite combinaison de 532 salles, il n’atteindra même pas 40 millions $ aux USA, un score modeste pour un film réalisé par Spielberg.
Il montre les agents secrets israeliens réalisant qu’il y a peu de différence entre ce qu’ils font et ce que les terroristes ont fait. Dans les deux cas, un peuple, une cause, des représailles, des innocents exposés à la mort dans une guerre qui n’est pas la leur.
Voila donc ce qui pourrait être le meilleur film de 2006, un film avec du fond et, comme d’habitude avec Spielberg, un emballage soigné.
Voir en ligne : >>>>> "Spielberg prend un risque"
kaiman 10 mars 2006
Munich - Steven Spielberg - critique
Les attentats de Munich ont été à l’origine d’un engrenage fait de représailles, de contre-représailles, de contre-contre-représailles etc. Spielberg montre ce processus, et plus largement, il renvoie à une question récurrente sur le conflit israélo-parlestinien : Pourquoi cette spirale de la violence ?
La subtilité du film réside dans le doute et l’interrogation plutôt que dans le fait d’asséner des vérités sorties du chapeau d’un magicien. Splielberg nous avait habitués à plus de pathos et de lourdeur dans certains de ses autres films (cf. Amistad)
Certes, le réalisateur américain ne résiste pas à certaines facilités, comme cette scène improbable où Palestiniens et Israéliens partagent le même appartement ou comme certains effets de caméras à la stylisation douteuse.
Malgré tout, « Munich » reste un film largement au-dessus de la moyenne. Spielberg filme les scènes d’actions au plus près des acteurs, comme il l’avait fait dans « Il faut sauver le soldat Ryan ». Il en ressort une impression de réalisme impressionnante. On se sent happés par ces séquences étourdissantes.
Spielberg nous offre une œuvre mature et aboutie, laissant la place à la réflexion. Eric Bana donne toute son humanité à cet homme en mission qui reste avant tout un homme, en proie au doute face à la violence de ses actes. Un film à voir.