Le 19 septembre 2022
Onirique, perturbant, ce roman plonge dans les souvenirs confus d’un vieil homme qui cherche l’absolution, face caméra. Un roman fort et brillamment mené qui malmène le lecteur et son esprit.
- Auteur : Russel Banks
- Editeur : Actes Sud
- Genre : Roman
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Pierre Furlan
- Date de sortie : 7 septembre 2022
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
Résumé : Au seuil de la mort, Leonard Fife, célèbre documentariste, accepte une interview filmée que veut réaliser l’un de ses disciples, Malcolm. Fife a exigé le noir complet sur le plateau ainsi que la présence constante de sa femme, Emma, pour écouter ce qu’il a à dire, loin des attentes de Malcolm. Après une vie de mensonges, Fife entend lever le voile sur ses secrets mais, sous l’effet de l’aggravation rapide de son état, sa confession ne ressemble pas à ce que lui-même avait prévu.
- Crédits : Actes Sud
Critique : Lire ce roman donne le sentiment d’être plongé dans un demi-sommeil, entre rêve perturbant, souvenirs et réalité. Russel Banks pénètre en effet les pensées d’un vieil homme en train de mourir, capte ses dernières heures et les remembrances qui colonisent son esprit, se télescopant peu à peu alors que la confusion empire. Filmé par l’un de ses anciens élèves, Leonard Fife doit répondre à des questions, suivre un plan préalablement établi – à la place, il se confesse, raconte à Emma, sa femme, via la caméra, ce qu’il lui a toujours tu. Il s’attache à relater une journée de 1968, point de départ de son énième fuite, celle vers sa vie de documentariste canadien qui tente d’échapper à l’emprise étouffante d’une famille qui n’est pas la sienne – et non à la conscription comme beaucoup le croient. Régulièrement, l’équipe technique qui s’occupe des réglages, du son et de la lumière, interrompt le récit de Leo, entachant sa concentration, le menant encore plus certainement vers ce brouillage entre aujourd’hui, hier et avant-hier. Des détails de cette fameuse journée perturbent Fife, le ramènent encore plus en arrière sans qu’un changement de temporalité ne marque son trouble. Tout est écrit au présent ; aucun signe de ponctuation ne souligne les dialogues. Russel Banks s’est attaché à calquer sa narration au tumulte fluide qui encombre les pensées de Leo. Tous ses souvenirs sont liés, se brouillent parfois, incorporent des éléments de l’histoire d’Emma et les font leurs, séquences qui se suivent sans que la chronologie ne fasse toujours sens.
Oh, Canada parvient donc brillamment à transposer en mots cette expérience kaléidoscopique étonnamment lente, caractérisée par une acuité confuse. Les détails de ces réminiscences sont soigneusement décrits, mais d’autres sont éludés comme dans un rêve où la lumière serait à la fois trop vive et trop pâle. Leo est ébloui par les lampes de son salon où il est filmé, tout tourne autour de lui quand les spots ne sont plus seuls à l’éclairer, son environnement anticipant en cela sur son esprit et ce tourbillon onirique qui s’en empare.
Au-delà des mécanismes étranges de la mémoire au seuil de la mort, Russel Banks s’intéresse aussi à la culpabilité, à son influence sur les souvenirs qu’elle transforme, remodèle parfois. Comme son éditeur le souligne, il s’agit d’un roman testamentaire, compliqué à cerner, dans lequel le lecteur évolue comme avec les jambes sciées, rêve marqué par une accélération alanguie malgré l’imminence du trépas.
Russel Banks - Oh, Canada
Actes Sud
14.50 x 24.00 cm
336 pages
23 euros
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criss 24 septembre 2022
Oh, Canada - Russel Banks - critique du livre
Réminiscences.
Un homme voit défiler sa vie,il en parle cette fois !
Sa mémoire rouillée ,sa culpabilité intense ,il a besoin d’obtenir la pardon avant de mourir...
Ce roman est sur-angoissant ***