Histoires d’hommes (et de femmes) à Nankin
Le 13 avril 2010
La fascination que l’on éprouve pour l’œuvre est émoussée par un certain hiératisme de mise en scène, Lou Ye ayant contracté les maladies d’un certain cinéma contemporain : le nombrilisme et la pose.


- Réalisateur : Lou Ye
- Acteurs : Qin Hao / Qín Hào, Tan Zhuo, Wei Wu
- Genre : Drame, LGBTQIA+
- Nationalité : Français, Chinois
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h55mn
- Titre original : Chung feng chen zui de ye wan
- Date de sortie : 14 avril 2010
- Festival : Festival de Cannes 2009
Résumé : Nankin, de nos jours, au printemps. La femme de Wang Ping le soupçonne d’infidélité. Elle engage Luo Haitao pour l’espionner et découvre ainsi l’amour que son mari porte à un homme, Jiang Cheng. C’est avec lui que Luo Haitao et Li Jing, sa petite amie, se jettent alors à corps perdu dans une folle équipée amoureuse. C’est pour tous trois le début de nuits d’ivresse suffocantes, qui égarent l’esprit et exaltent les sens. Un sulfureux voyage aux confins de la jalousie et de l’obsession amoureuse.
Critique : Depuis la présentation cannoise d’Une jeunesse chinoise, en 2006, Lou Ye, auteur de l’original Suzhou River (2000), est interdit de tournage en Chine. C’est donc dans la parfaite clandestinité que cette Nuit d’ivresse printanière a été tournée. On ressent d’ailleurs l’urgence de filmer et de capter l’essentiel dans ces mouvements de caméra à l’épaule lors les scènes extérieures. Et il est permis de juger que le prix du scénario accordé à Mei Feng au Festival de Cannes 2009 récompense davantage les conditions de préparation du film et l’audace de la narration que la qualité d’un travail d’écriture. Après avoir subi les foudres de la censure politique, nul doute que Lou Ye n’aurait jamais réussi à convaincre les autorités de lever son interdiction des plateaux, compte tenu du caractère sulfureux (pour ce pays) de la thématique (homo)sexuelle du synopsis. Pourtant, le cinéma chinois a déjà abordé ce sujet, de façon explicite (Histoires d’hommes à Pékin de Lan Yu, 2001) ou imbriquée dans un cadre narratif plus global (Adieu ma concubine, de Chen Kaige, Palme d’or 1993). La différence est ici dans le traitement : la crudité (davantage que l’érotisme) de certaines séquences (notamment une scène très physique sous la douche) aurait de quoi heurter plus d’un tartuffe officiel, Lou Ye misant davantage sur une esthétique à la Fassbinder que sur l’académisme aseptisé et rassurant d’un Ang Lee dans Brokeback Mountain.
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En fait, le scénario semble tenir en quelques feuillets. Une jeune femme jalouse charge Luo Haitao d’espionner son mari, qu’elle soupçonne d’infidélité. Celui-ci la trompe en effet avec un autre homme de qui Luo Haito va s’éprendre, non sans le partager avec sa petite amie Li Jung. On est certes plus proche de la finesse de Jules et Jim que de la roublardise d’un Deux garçons, une fille, trois possibilités ; mais l’essentiel semble ailleurs : dans ces images contemplatives de nuits de sensualité suffocantes, dans cette volonté de capter des visages décomposés par le dépit ou le désir non partagé.
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La fascination que l’on éprouve pour l’œuvre est cependant émoussée par un certain hiératisme de mise en scène, Lou Ye ayant contracté les maladies d’un certain cinéma contemporain : le nombrilisme et la pose. À l’instar d’un Hong Sang-soo se référant à son petit Rohmer illustré, Lou Ye se la joue un peu trop auteur post-Nouvelle Vague. Et les côtés hermétiques de son scénario (une ronde de personnages pour le moins obscure, les couples se détachant aussi rapidement qu’ils se forment, ainsi qu’une inutile digression sur un atelier de travail clandestin) en laisseront plus d’un sur la touche. Souhaitons toutefois à Lou Ye de sortir rapidement de la clandestinité et de retrouver la place qu’il mérite au sein de la production cinématographique chinoise, tout en ne reniant en rien ses exigences thématiques et stylistiques.
Norman06 5 août 2009
Nuits d’ivresse printanière - Lou Ye - critique
Le prix du scénario obtenu à Cannes récompense sans doute davantage les conditions de préparation du film (tourné dans la clandestinité) et l’audace de la narration que la qualité d’un travail d’écriture. On ressent l’urgence de filmer et de capter l’essentiel dans ces mouvements de caméra à l’épaule. La fascination que l’on éprouve pour l’œuvre est cependant émoussée par un certain hiératisme de mise en scène, plombée par le nombrilisme et la pose. Et les côtés hermétiques de son scénario en laisseront plus d’un sur la touche.