Le souffle de la pluie
Le 19 mars 2013
Après cinq ans d’interdiction de tourner, Lou Ye revient dans son pays d’origine avec un thriller qui s’apparente davantage à une longue poésie engagée.
- Réalisateur : Lou Ye
- Acteurs : Hao Lei / Hǎo Lěi, Qin Hao / Qín Hào, Qi Xi / Qiáo Xī
- Genre : Thriller
- Nationalité : Français, Chinois
- Durée : 1h38mn
- Date de sortie : 20 mars 2013
- Festival : Festival de Cannes 2012
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Après cinq ans d’interdiction de tourner, Lou Ye revient dans son pays d’origine avec un thriller qui s’apparente davantage à une longue poésie engagée.
L’argument : Lu Jie est loin d’imaginer que son mari Yongzhao mène une double vie, jusqu’au jour ou elle le voit entrer dans un hôtel avec une jeune femme. La vie de Lu Jie s’effondre. La maîtresse meurt renversée par une voiture peu de temps après. Le policier en charge de l’affaire refuse de croire à un accident...
Notre avis : Mystery marque le retour de Lou Ye dans son pays d’origine, après cinq ans d’interdiction de tournage. Une sanction professionnelle infligée par le Bureau du cinéma de Pékin, qui n’avait pas toléré que le cinéaste présente Une jeunesse chinoise au festival de Cannes, le long-métrage traitant des évènements de la place Tian An Men.
Si les spectateurs européens ont pu découvrir sur leurs écrans ces dernières années des oeuvres comme Nuit d’ivresse printanière ou encore Love and bruises, cela n’est donc pas le cas de la population chinoise. Aujourd’hui, Lou Ye affirme vouloir coopérer avec ce système, sans le cautionner en aucun cas. Ainsi, lorsque la censure a retiré les noms des producteurs français du générique de son dernier film, il a immédiatement demandé à ce que son propre nom n’y apparaisse pas non plus.
Deux femmes se font face sous la pluie battante, l’une hagarde, l’autre désespérée. La boue macule leurs vêtements, leurs mains, leurs cheveux. Le vent est tombé, et les trombes d’eau se déversent sur elles en un signe sinistre. La mort, douce et tragique, est là, en embuscade derrière l’un des nombreux arbres de la forêt. On l’a sentie, juste avant de la découvrir.
Mystery est avant tout un film d’ambiance. La présence ininterrompue d’éléments primaires, l’atmosphère urbaine de Wuhan, le bercement d’une caméra très mobile, la surenchère de flous artistiques donnent au film l’identité graphique dont il avait désespérément besoin.
Sans son ambiance poétique, le long-métrage n’aurait probablement pas survécu. A cela près qu’il rend compte d’une réalité de faits, conscients ou non, entachant le quotidien d’ êtres ordinaires. Le couple que forment Lu Jie (Hao Lei) et Yongzaho (Qin Hao) interroge les relations humaines les plus simples d’apparences. Parallèlement à cette vie de famille bourgeoise, le mari vit de nombreuses aventures extra-conjugales, que ce soit avec sa maîtresse attitrée et mère de son fils, ou bien de nombreuses étudiantes qu’il retrouve à l’hôtel. Que ce soit dans ses gestes ou bien ses paroles, Yongzaho modifie son attitude selon la classe sociale de son interlocuteur. Servile parfois, on le découvre peu à peu plein de hargne et d’égoïsme. Il désire plus que tout conserver sa relation avec Lu Jie, qui le place à la tête d’une entreprise fructueuse, et n’hésite pas à violenter et violer la mère de son fils lorsqu’elle met cette situation en danger. L’amour qu’il porte à son fils, bien plus que l’affection dont il fait preuve envers sa fille, n’est pas sans rappeler le machisme encore à l’oeuvre aujourd’hui.
La plus grande faiblesse de Mystery réside dans le traitement de l’enquête de ce thriller. Rapidement, l’intrigue s’effrite, et si le thème de la corruption policière est évoqué, il apparaît plus comme une dénonciation admise qu’ une réelle démonstration.
La lumière ondoyante, les interprètes, les décors, la mise en scène romantique insufflent à Mystery la teneur dont le scénario est exempt. Portrait en filigrane d’un système politique et citoyen, les écueils mis en lumière par le long-métrage ne sont pas sans faire penser à ceux rencontrés par nos propres systèmes occidentaux. Mystery s’avère finalement être une parenthèse poétique, ponctuée de séquences plastiquement réussies. Et si l’on déplore la faiblesse du scénario, l’on ne peut néanmoins s’empêcher de penser que Lou Ye n’a pas encore rendu les armes. Ou sa caméra, tout du moins.
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