Le 27 août 2018
Le nouveau livre de Laurence Cossé est un récit initiatique soigné, à défaut d’être original.
- Auteur : Laurence Cossé
- Editeur : Gallimard
- Genre : Roman & fiction, Littérature blanche
- Date de sortie : 16 août 2018
- Plus d'informations : Le site officiel
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Résumé : Septembre 1935. Robin sort de l’adolescence. Il est né après la mort de son père, comme de nombreux enfants de sa génération, venus au monde pendant la Grande Guerre. La vie politique est alors particulièrement violente en France, tant sur le plan intérieur que dans l’ordre international. Mais, à dix-huit ans, qui n’accorde pas plus d’importance à ses tourments intimes qu’à l’actualité collective ? En la personne d’un de ses camarades de classe préparatoire, Robin découvre que l’amitié est un des noms de l’amour, autrement dit de l’inquiétude. Conrad est la séduction même et l’énigme incarnée. En avril 1936, alors que la tension politique est à son comble, tous les deux vont skier dans un vieux et pauvre village de Haute Tarentaise du nom de Val-d’Isère, dont quelques visionnaires imaginent qu’il pourrait devenir une grande station de ski alpin. Les six jours qu’ils y passent marqueront Robin à vie. Son existence entière va être éblouie par une jeune fille.
Notre avis : On ne veut pas préempter la pensée des morts, mais peut-être que Roland Barthes aurait vu dans le dernier Cossé l’illustration d’un artisanat du style, formule quelque peu ironique, théorisée dans Le degré zéro de l’écriture : l’essence d’une manière qui se cristallise dans des procédés stylistiques immanents à la littérature réaliste du dix-neuvième siècle. Ainsi, on mentionnera les temps verbaux conventionnels du récit (passés simples/imparfaits), l’usage récurrent du discours indirect libre cher à Flaubert ("L’affaire avait occupé la municipalité dix-huit mois. Si la montée devenait à ce point facile, la descente resterait-elle aussi délectable ?"), la préséance de la voix narrative qui s’extrait ponctuellement de l’histoire afin de délivrer quelques vérités générales sur l’existence (c’est alors que les phrases prennent un tour plus rhétorique, profilent l’ombre de l’écrivain : "les plages paisibles s’enfoncent dans l’oubli quand les heures atroces ne perdent rien de leur tranchant"). On pourrait donner crédit à une expression dont la connotation est bourgeoise : le roman de Laurence Cossé est de la belle ouvrage, parce qu’il légitime toutes les caractéristiques d’une littérature impeccable, distinguée, vivante jusque dans des micro-signes : en ce sens, exemplaire est l’usage répété du démonstratif "cela" pour prélever des fragments de réalité, avec des pincettes à spéculoos ("cela nous rapprocha", "cela faisait de lui le plus âgé", "cela m’agaçait").
Cette forme qui justifie la "valeur-travail", tout en affectant de soustraire les preuves de sa fabrication, est solidaire de la trame diégétique : Nuit sur la neige relève d’une tradition des récits initiatiques déceptifs, superposant parcours individuels et destinées collectives, dans une configuration sans surprise. Si le contexte anxiogène des années 30 (menace de l’extrême-droite en France, avènement du nazisme en Allemagne) est rappelé de manière lancinante, les étudiants de la hiératique prépa semblent, à quelques exceptions près, de jeunes moines soustraits au temps des engagements politiques. Robin, au premier chef, qui obéit aux injonctions familiales, mais vivra sa véritable éducation en compagnie d’un camarade mystérieux, Conrad. De ce point de vue, Nuit sur la neige marche sur les pas du Grand Meaulnes : même fascination du cadet pour son aîné, même opacité inaugurale du personnage avant que la causalité s’en mêle, pour lever le voile.
Il ne manque à ce tableau que la première expérience amoureuse, dont la présence rituelle assure le passage vers ce qu’on appelle "l’âge adulte". Un axiome conclurait que la mutation subit une accélération proportionnelle à la déception du jeune soupirant. Elle adviendra dans la montagne où se scelle le drame. Le reste n’est qu’un adieu à l’enfance, à travers une figure sacrifiée.
Parution : 22-08-2018
Edition Gallimard, collection Blanche
144 pages, 140 x 205 mm
- © 2018 Gallimard. Tous droits réservés.
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