Noir océan - la critique

D’une grande exigence formelle et très littéraire dans son approche, Noir océan est une ode à la nature dévastée par la folie humaine. Ce long voyage introspectif amènera trois jeunes marins à repenser leur perception du monde à l’orée de l’âge adulte.

L’argument : Trois jeunes garçons à bord d’un navire de la Marine française en 1972, participeront aux essais nucléaires à Mururoa, dans le Pacifique, inconscients des dangers qu’ils encourent et des effets dramatiques pour notre planète.

Notre avis : Grande lectrice devant l’éternel, la cinéaste bruxelloise Marion Hänsel s’est toujours nourrie de ses coups de cœur littéraires pour se lancer, aux quatre coins du monde, dans l’exploration de nouvelles contrées peu traitées au cinéma. Sur la Terre comme au ciel ; que ce soit à hauteur des nuages ou sur la terre ferme, de la poussière sud-africaine (Dust) jusqu’en rade de Hong-Kong (Between the devil and the deep blue sea) ; elle délaisse cette fois-ci le continent pour prendre le large en mettant le cap sur les atolls de la Polynésie française, dans l’immensité des eaux océaniques. Après J.M. Coetzee ou encore Yann Queffélec (Les noces barbares), ce sont deux nouvelles, extraites du recueil "Océan Pacifique", rédigées par Hubert Mingarelli qui ont retenu toute son attention. Véritable aventurière dans l’âme, Marion Hänsel a toujours attaché beaucoup d’importance à l’avenir écologique de notre planète. Ici, à travers ce récit focalisé sur trois jeunes marins français qui sont loin d’imaginer qu’ils prendront part indirectement à un des nombreux essais nucléaires effectués à Mururoa, elle révèle l’ignominie de la race humaine capable de détériorer les quelques parcelles terrestres encore vierges, dans des endroits paradisiaques à l’abri des regards du monde. L’apparition du champignon atomique, vision mélangeant la magnificence et l’horreur absolue, sera le détonateur de leur nouvelle perception du monde avec des répercussions diverses selon la sensibilité propre à chacun des trois moussaillons ; lesquels sont finement interprétés par de jeunes comédiens prometteurs (dont Adrien Jolivet qui tenait le rôle principal dans Zim and co, réalisé par son père). Ce changement brusque, survenant au terme de ce long périple, marquera la fin de leurs illusions ; avant de se lancer difficilement dans la vie d’adulte qui s’ouvre à eux. Ode à la nature, Noir océan est avant tout un voyage lent, métaphore introspective dont la narration minimaliste s’approche au plus près des sentiments intérieurs qui les tiraillent (la solitude, le doute, la peur) face au milieu restreint dans lequel ils évoluent. En ce sens, son cinéma est très littéraire, d’une exigence radicale en parvenant à retranscrire la portée profonde de chaque mot par des images d’une grande beauté. Son univers, plutôt réservé à des cinéphiles avertis, n’est pas sans rappeler celui d’Agnès Varda, une autre grande dame du septième art francophone. À découvrir.