Nahid - la critique du film

Un film engagé sur un sujet fort et touchant, qui aurait toutefois mérité d’être plus approfondi.

© Habib Madjidi

L’argument : Nahid, jeune divorcée, vit seule avec son fils de 10 ans dans une petite ville au bord de la mer Caspienne. Selon la tradition iranienne, la garde de l’enfant revient au père mais ce dernier a accepté de la céder à son ex femme à condition qu’elle ne se remarie pas. La rencontre de Nahid avec un nouvel homme qui l’aime passionnément et veut l’épouser va bouleverser sa vie de femme et de mère.

Notre avis : Diplômée de l’Université des Arts de Téhéran, Ida Panahandeh a d’abord réalisé plusieurs courts-métrages et téléfilms avant de se lancer dans la réalisation de Nahid, Prix de l’avenir au dernier Festival de Cannes, dans la catégorie « Un Certain Regard ». Ce premier long-métrage, très personnel, porte dans ses images la genèse d’un projet aussi houleux que l’histoire de son personnage principal, une femme séparée de son mari, qui, pour la première fois de son existence, tombe réellement amoureuse d’un homme. Mais refaire sa vie avec un autre n’est pas chose aisée, quand les mœurs et les lois de l’islam chiite vous fusillent des yeux à longueur de journée.

© Habib Madjidi

À travers le destin de son héroïne, c’est un portrait de toute la communauté du Sud de l’Iran que dresse Ida Panahandeh. En effet, ce qui compte pour la cinéaste, ce sont d’abord les personnages de son film et la manière dont ils se positionnent et se meuvent dans le cadre. La lumière, grisâtre et cependant très claire, rend les corps des acteurs plus visibles, leur permettant autant d’entrer en interaction avec le décor que de se détacher de celui-ci.
Les protagonistes interagissent aussi entre eux. Humiliée et sermonnée par ses proches (sa famille et sa belle-famille) comme elle semble manquer à son devoir d’épouse et de mère, Nahid subit en permanence les reproches de son entourage. Mais c’est cette pression incessante, cette soumission forcée à la lâcheté des hommes et à l’ingratitude de la morale religieuse, qui lui donne toute sa force et tout son caractère de femme révoltée en quête d’émancipation, tentant de retrouver la dignité que la société lui a volée.

© Habib Madjidi

Le récit propose également une vision complexe et sensible de l’amour, dans un pays encore très conservateur, où les sentiments sont sans cesse écrasés par des règles faites par les hommes pour les hommes ; et le personnage de Massoud, père divorcé dont Nahid tombe amoureuse, est comme l’exception qui confirme la règle : sa bienveillance, son humilité et sa sincérité envers la jeune femme lui donnent beaucoup de noblesse, et offrent à l’héroïne une grandeur inattendue, aussi fascinante qu’effrayante, mais qui change radicalement l’image de toutes ces femmes oppressées, luttant vaillamment contre la misogynie et l’intégrisme.
Drame féministe et social soutenu par une jolie mise en scène, Nahid est une œuvre fort louable, malgré un sujet et des thématiques communs à beaucoup d’autres films du Moyen-Orient.