Le 14 novembre 2021
Si le public vitréen a voulu récompenser ce nouveau film d’Ida Panahandeh au dernier Festival des Nouvelles Images Persanes, c’est sans doute lié au regard militant d’Ida Panahandeh qui poursuit depuis Nahid en 2015 le projet immense de protéger les minorités en Iran.


- Réalisateur : Ida Panahandeh
- Acteurs : Houtan Shakiba, Elnaz Shaker Doust, Parsa Pirouzfar
- Genre : Comédie dramatique, Drame fantastique
- Nationalité : Iranien
- Distributeur : DreamLab Films
- Durée : 2h02mn
- Festival : Festival Nouvelles Images Persanes 2021

L'a vu
Veut le voir
Résumé : Un physicien hospitalisé travaillant sur une théorie de la fin de monde rencontre la femme de ménage pétillante et excentrique TiTi. Quand l’homme tombe dans le coma, TiTi en appelle à ses origines gitanes et ses pouvoirs mystiques pour le ramener à la vie. C’est le début d’une rencontre hors du commun, qui va bouleverser la vie aux deux personnages et celle de leur proche entourage.
Critique : On connaît Ida Panahandeh pour son très beau film Nahid. Depuis, les écrans français boudent mystérieusement la cinéaste qui pourtant en arrive à sa quatrième œuvre de cinéma. Elle revient vers le public européen avec ce joli Titi qui met en valeur, sans doute pour la première fois dans le cinéma iranien, le peuple des Roms. L’héroïne est gitane. Elle incarne une femme qui n’a aucune existence sociale, étant écartelée entre son statut de femme non mariée, sans droit aucun, et l’attrait que lui voue un bourgeois iranien. On la croit folle, naïve, voire imbécile. En réalité, Titi étouffe dans la non-existence où elle est privée du droit fondamental à dire non et à faire valoir sa personnalité. Son corps est vendu à un couple stérile qui utilise son ventre pour porter un enfant qui ne lui appartiendra jamais. Elle est sujette aux violences conjugales, aux humiliations de son prétendant mais aussi à l’instrumentalisation par un Iranien aisé.
- Copyright Dreamlab
Pour autant, Ida Panahandeh ne fait pas de son personnage une femme brimée et sans épaisseur. Il y a beaucoup d’énergie et de beauté dans cette Fadette des temps modernes. La réalisatrice se veut une nouvelle fois, à travers son personnage, l’ambassadrice de la condition des femmes à travers le monde. Elle accuse certes la société iranienne qui entretient un rapport de domination avec le deuxième sexe, mais aussi nos sociétés occidentales et aisées se targuant d’un modèle égalitaire et soucieux du statut de la femme. Chacun est renvoyé dans ses buts, et il serait maladroit de ne percevoir dans ce récit que l’éloge de la douceur et de la naïveté. Titi est bien plus que cela. Elle incarne le combat à mener dans les années qui viennent pour plus d’égalité sociale et culturelle, et le droit des minorités à exister.
- Copyright Dreamlab
Titi est donc un film très politique. Derrière le récit fantastique et romantique, se cache une réflexion intense sur le droit des femmes à faire valoir leurs identités particulières. Le film est porté par une mise en scène et une image volontairement impressionnistes. Le spectateur a la sensation de voir sur l’écran la démonstration d’une œuvre atemporelle qui combine les effets de style, le brouillage des époques, à la façon d’une œuvre picturale romantique. En ce sens, la réalisatrice réussit son coup en proposant une œuvre hautement polémique tout en offrant une histoire agréable, écrite à la manière d’un roman de George Sand ou d’un tableau du Douanier Rousseau.