Le 16 mai 2018
Un documentaire sobre et grave qui jette un regard amer sur le militantisme.


- Réalisateur : Romain Goupil
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Potemkine
- Durée : 1h35mn
- Box-office : 146 720 entrées France / 64 725 entrées P.P.
- Date de sortie : 8 septembre 1982
- Festival : Festival de Cannes 1982

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– Ce film fait partie du coffret Mai 68, paru le 9 mai chez Potemkine
– Caméra d’or au Festival de Cannes 1982
Résumé : Journal filmé de Romain Goupil, enfant d’un célèbre opérateur, qui retrace son amitié et ses grandes aventures avec son meilleur ami, Michel Recanati qui s’est suicidé en 1978.
Notre avis : Hormis quelques témoignages, ce documentaire n’est constitué que d’images d’archives qui couvrent en gros une dizaine d’années d’un militantisme forcené. Pour certains, ces séquences tiendront de la science-fiction ou de l’archéologie : du discours au comportement, tout paraît hors d’âge, et le désenchantement qui perce peu à peu, sans doute teinté de nostalgie, devient le nôtre face à une période manichéenne mais qui avait un sens. C’est l’une des interrogations du film que cette perte de sens, que Goupil traite avec un recul moqueur parfois (« théories fumeuses, farce ») mais qui dans l’individualisme actuel résonne étrangement.
Mourir à trente ans n’est pas un film sur mai 68, même si les « événements » y occupent une place centrale et d’ailleurs peu compréhensible pour qui n’est pas au fait de leur déroulement ; c’est un film sur un ami, Michel Récanati, le « meilleur d’entre eux », le plus engagé, le chef naturel. Animateur de manifestations et de « coups » brutaux, inlassable débatteur, il se dévoue corps et âme à la cause communiste, et semble à tous quasi inhumain. Mais la dernière partie du documentaire remet en cause ce jusqu’au boutisme et lui donne un éclairage psychologique bouleversant. Et au fond, l’explication ruine la notion même d’engagement, qui ne serait qu’une incapacité à vivre, à s’abandonner. D’où la tentative avortée de recommencer une existence fondée sur une vie privée que le militantisme annihilait.
Certes, Romain Goupil ne fait pas une généralité de ce cas, et sa voix off omniprésente se garde souvent de tirer des leçons, de faire un exemple : il en reste aux faits, et à l’émotion qui affleure dès le début, avec la liste des amis suicidés ou victimes d’accident. Alors le film s’éclaire non seulement comme un « tombeau » au sens littéraire du terme, mais aussi comme un regard rétrospectif aboutissant à une interrogation implicite : qu’avons-nous fait de notre jeunesse ? Les meilleurs moments n’ont-ils pas été les joyeuses « déconnades » du début, le militantisme, même s’il lui a permis de rencontrer Michel, n’est-il pas un vaste gâchis ? On sent un peu d’amertume dans ce retour réflexif qui dépasse largement le cadre d’une personne précise pour se transformer en questionnement personnel, intime, peut-être douloureux.