Mort de Jean Starobinski

News : L’une des plus grandes figures de la critique s’est éteinte, le lundi 4 mars, à Morges, en Suisse. Pour des milliers d’étudiant(e)s en lettres, Starobinski, c’est d’abord l’homme de La transparence et l’obstacle, peut-être la meilleure étude qu’on ait jamais écrite au sujet de Jean-Jacques Rousseau. Dans un style d’une magnifique élégance, sa réflexion sur l’auteur des Confessions se situe au croisement de la littérature et des sciences humaines.
Son expérience de médecin psychiatre lui a permis d’éclairer de grandes oeuvres par les apports d’un certain nombre de champs, notamment la psychanalyse, tout en privilégiant une démarche subjective, à rebours de la doxa structuraliste. Starobinski était, à la manière de Jean-Pierre Richard ou Georges Poulet, le représentant de ce qu’on a pu appeler un peu hâtivement "la critique thématique", toujours prompte à traduire, dans le rythme de la phrase et la précision du lexique, "le plaisir du texte", pour reprendre la belle expression de Roland Barthes. On ne saurait trop conseiller tout ce que le critique a rédigé sur les auteurs du XVIIIème, en premier lieu Rousseau, bien sûr. On ne se privera pas non plus de ce que ce brillant herméneute a pu écrire sur le période humaniste, notamment à propos d’auteurs emblématiques comme Montaigne. Dans un essai qui a fait date -Montaigne en mouvement (1982)-, la genèse des Essais y est abordée de manière originale : pour Starobinski, elle ne se dissocie pas d’une forme de mélancolie, grand motif auquel le critique a consacré plusieurs ouvrages, fil thématique d’un travail qui, de la médecine à la littérature, a conduit cet auteur incontournable sur les chemins d’une réflexion dont la densité n’a jamais éclipsé la forme impeccable.