Papiers militaires
Le 28 janvier 2004
Psychopathes hallucinés avec M16 et lunette de visée nocturne en balade au pays de Saddam.
- Auteur : Gabe Hudson
- Collection : Série noire
- Editeur : Gallimard
- Genre : Polar, Roman & fiction
- Nationalité : Américaine
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Les lascars de La Noire de Gallimard ont encore déniché un vrai taré. Et c’est encore aux Etats-Unis qu’ils sont allés le chercher. Après Palahniuk (Fight Club, Choke) et Saunders (Grandeur et décadence d’un parc d’attraction), celui-là arrive avec un recueil de huit nouvelles toutes fraîchement sorties d’une usine à cerveaux malades.
Toutes traitent de la première guerre du Golfe ou du retour au pays des anciens combattants. Pour l’instant, rien d’anormal. Sauf qu’en réalité, les personnages ont deux caractéristiques communes :
- ils sont soldats ou vétérans,
- ils sont vraiment débiles et/ou vraiment psychopathes.
La manière de procéder à la guerre de ces bêtes surentraînées est à peu de chose près la même pour tous : "Je mis mon M16 en rafale et arrosai à l’aveuglette. Je voyais que dalle."
Après, c’est une succession de portraits aussi improbables que délirants : un soldat, travelo dans la vie, qui monte dans son bombardier F117-A, baptisé Gracie, et qui lâche sa GB-10 à fragmentation sur trois Irakiens sautillant sur de vieux barils en agitant des drapeaux blancs. Résultat : "Une sensation mystique et fuligineuse qui vous prend quand vous butez quelque chose... C’est le seul moment où je sais que Dieu est en train de me regarder... un bon moyen pour le faire se bouger le cul."
Il y en a d’autres, et des belles : un déserteur qui fait du yoga dans un bunker et qui se bat à coups de poing avec des chimpanzés, un type qui tue un chien irakien en étant persuadé qu’il vient de terrasser l’ennemi, un vétéran qui a une oreille qui lui pousse sur le ventre (du W. Burroughs en puissance, avec une bonne dose de bouffonnerie aussi... jubilatoire), un autre, obsédé par l’idée d’aller au paradis, etc. Des explosions verticales, des puits de pétrole en feu, des modes de visée nocturne, des soleils brûlants, autant de paysages qui conviennent à merveille au style très cinématographique de Gabe Hudson.
Mais cette débauche d’effets visuels pleine de sang et bizarreries en tous genres est loin de manquer de conscience. Déjà, il y a la tendresse. Beaucoup de tendresse. Aussi cons qu’ils soient, tous les personnages sont à la recherche de quelque chose qui, de près ou de loin, pourrait ressembler à de l’amour. Que ça soit auprès de leur femme (même si celle-là est une nympho qui crie "Go, GI ! GI !" quand elle se fait prendre par son soldat à elle, lui qui a "explosé ces racailles d’irakiens sur la crête d’Al-Mutlaa"), de leur père (même si celui-là est un "sale pédé" qui sort avec un mec à moustache qui s’appelle Rob), de leurs amis, ou même entre eux, la nuit, dans la solitude des bunkers... Les héros de Gabe Hudson sont là, parfaitement pathétiques, symbolisant cette Amérique à la fois arrogante et inquiète, à la fois surpuissante et décadente. On a parfois l’impression d’être devant un pays d’autiste qui n’a trouvé que la guerre et la violence à grande échelle pour sortir de son apathie. Gabe Hudson le dit mieux que personne : "Sa politique étrangère fait de l’Amérique une pute."
Gabe Hudson, Monsieur le Président (Dear Mr. President, traduit de l’américain par Marie-Lise et Guillaume Marlière), Gallimard, coll. "La Noire", 2004, 184 pages, 18 €
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