Le 5 mars 2020
S’il s’agit officiellement d’un film très documenté sur Fernand Deligny, en réalité le propos se déplace sur les rapports que le pédagogue entretenait avec la création cinématographique et un certain François Truffaut.
- Réalisateur : Richard Copans
- Acteur : Jean-Pierre Darroussin
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Shellac
- Durée : 1h36mn
- Date de sortie : 18 mars 2020
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Résumé : La vie de Fernand Deligny, éducateur célèbre, et son désir de cinéma croisent son accueil d’enfants autistes. De l’hôpital d’Armentières en 1940 au hameau de Graniers, Deligny invente des lieux de vie qui permettent aux enfants et adolescents d’échapper à l’enfermement. Il crée du collectif et du réseau ; il invente un atelier permanent de recherche sur ce qui fait l’humain au–delà du langage. On le connaît pour 2 films « Le Moindre Geste » et « Ce Gamin là ». Mais il n’a cessé pendant 40 ans d’articuler ses expériences de vie avec des essais cinématographiques. Truffaut sera un de ses compagnons de route.
Notre avis : Faire un documentaire sur Deligny constitue un véritable cadeau offert aux pédagogues ou éducateurs en tout genre qui œuvrent dans la continuité de l’immense instituteur. C’est évidemment, avant tout, l’opportunité de faire honneur aux personnes autistes, du moins doit-on dire souffrant de troubles du spectre autistique. Peu importe d’ailleurs le qualificatif car, comme en témoigne le documentaire, le pédagogue a fait ses premières armes dans l’hôpital psychiatrique d’Armentières en qualité d’instituteur, qui mélangeait indifféremment des délinquants, des handicapés mentaux ou des psychotiques. Le personnel était composé de gardiens, pour un seul médecin, lesquels n’avaient pas pu empêcher que certains hôtes se sauvent, en plein milieu de la Seconde Guerre mondiale.
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Monsieur Deligny Vagabond Efficace n’est pas un simple documentaire. Le film fait la synthèse des ouvrages essentiels du thérapeute, en injectant nombre de citations qui auraient encore toute leur place dans les institutions éducatives, ou encore auprès des décideurs politiques ou bureaucratiques qui font l’air du temps dans les politiques sociales de notre époque. Les problématiques comportementales et affectives des jeunes décrits par Deligny n’ont pas bougé d’un fil. Et les réponses à apporter, du moins à inventer, n’ont pas pris une ride non plus. Comme quoi, regarder l’avenir n’a pas que du bon, et savoir revenir aux textes de nos ancêtres relativise nos vérités toutes faites. On entend beaucoup l’écrivain Deligny dont les textes sont lus par des comédiens célèbres comme Darroussin ou Almaric. Parfois, les voix qui s’élèvent ressemblent à celle du fou génial qu’était Artaud, ce qui ne manque pas de surprendre et de troubler le spectateur. L’écriture de Deligny est très belle, presque poétique parfois, et les lecteurs qui portent les mots rajoutent à la majesté du langage.
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On apprend surtout que le pédagogue était un cinéaste de l’ombre. Richard Copans filme la projection des films de Deligny eux-mêmes. Des sortes d’essais cinématographiques, en noir et blanc, tournés sans moyens, en dehors des jeunes gens dont l’éducateur s’occupait. L’un d’entre eux, au moins, fut montré à Cannes. Les gamins se transformaient alors en scénaristes, en comédiens, en monteurs, jusqu’à peut-être cette image du début, qui ouvre le long-métrage, où Copans invite le spectateur dans le silence feutré d’une institution éducative, avec des adultes handicapés qui prennent le petit déjeuner. On apprend que Truffaut lui-même était un proche de Deligny et qu’il avait été enfermé dans un centre éducatif du fait des dettes qu’il avait laissées dans un cinéma. Les deux hommes entretenaient une correspondance, au point que le cinéaste de la Nouvelle Vague avait pris attache auprès de l’instituteur pour le conseiller sur ses films.
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Deligny artiste. C’est sans aucun doute la grande leçon de ce film. Il passionnera autant les instituteurs, les éducateurs, les psychologues pour enfants que les personnes qui s’intéressent à la création littéraire et cinématographique. Il ne faut pas attendre de ce long-métrage beaucoup de bruits et de fureur. Juste la lenteur des mots récités par les comédiens, le silence des handicapés surpris dans leur quotidien, des photographies anciennes, des vues sur Saint-Yorre ou les Cévennes où Deligny travaillait. Le long-métrage s’oppose diamétralement à la folie de certains patients pris en charge par le pédagogue, en offrant une petite musique intérieure, semblable à une séance de sophrologie ou de méditation. Des militants de l’éducation hors les murs prennent la parole à la suite de Deligny. La grandeur de leur engagement est évidente, comme un ultime témoignage que l’exclusion demeure avant tout une vue d’esprit et qu’un peu d’intelligence et de bon sens suffiraient à redresser le monde.
Test DVD/Bluray
Le DVD est remarquable à la fois pour le livret de 20 pages qu’il propose dans une écriture très soignée une revisite du film. Si naturellement Deligny est cité, Richard Copans prend le temps de décrire son projet et d’éclairer son documentaire qui illumine l’éducation spécialisée en faveur des personnes autistes et le cinéma de Truffaut.
Un bonus offre un petit miracle de film {Aucun d’eux ne dit mot} de Jacques Lin qui restitue, dans la prolongation des principes éducatifs de Deligny, une expérience dans un centre de vacances pour personnes autistes, tenu par deux militants du handicap. Les paroles sont très rares dans ce moyen métrage de 44 minutes et on communie avec la nature, le silence, la création picturale. Les 5 sens sont mis à l’épreuve à travers les activités culinaires, les expériences artistiques et les longues balades à travers les Cévennes. Richard Copans produit lui-même ce film en hommage à l’un des hôtes de l’espace de séjour, a priori décédé.
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