Millénium 2 - La fille qui rêvait d’un bidon d’essence et d’une allumette : la critique

Changement de réalisateur, mais pas de cap pour cette suite plutôt honorable, qui malgré quelques lenteurs et lourdeurs réussit à tenir la route, grâce à un formidable rôle-titre féminin.

L’argument : Traquée, prise au piège d’une manipulation manifestement très planifiée... Lisbeth va devoir affronter son passé. Elle pourra compter sur l’amitié infaillible de Mikael Blomkvist, qui fera tout pour prouver qu’elle n’est pas la tueuse en série que les médias et la police dépeignent.

Notre avis : L’histoire du premier volet le suggérait, le titre du deuxième le confirme ; les romans de Stieg Larsson - et les films qu’ils ont inspirés - n’ont pas de héros, ils ont une héroïne : Lisbeth Salander, androgyne hargneuse, virtuose du piratage informatique et des comportements sociopathes. Et avouons-le, il y a parfois, dans le monde hasardeux des adaptations littéraires au cinéma, des coups de chance inouïs, de pures réussites de casting : en entrant dans les épaules carrées de Lisbeth, Noomi Rapace fait tout simplement exister l’univers de Millénium. Là où le premier épisode faisait toute la place nécessaire à l’intrigue policière, cette suite se concentre davantage sur le passé du personnage féminin, dans ce qui ressemble bien à une minutieuse généalogie de la colère - abus psychiatriques, violences conjugales et pyromanie à l’appui. Pour ceux qui n’auraient pas eu leur compte d’histoires familiales perverses et alambiquées, Millénium 2 sert à nouveaux frais la panoplie des traumatismes inavouables que le récit déterre un à un avec un acharnement tout particulier. A tel point qu’à trop rechercher l’exhaustivité du récit, le film en perd parfois de sa cohérence et de son unité, se lançant dans des explications de longue haleine - et très bavardes - pour démêler les nombreux fils lancés dans toutes les directions, et qu’il s’agit de relier entre eux dans la dernière demi-heure.

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Malgré tout, le film conserve une certaine efficacité, par son univers froid, presque désincarné, qui substitue à l’image idyllique qu’on se fait parfois du « modèle scandinave » des relations entre citoyens civilisés la vision d’une société violente, sexiste, et qui n’hésite pas à laisser sur le bas-côté les individus les moins bien formatés. Violence symbolique, mais également violence physique, brute ; là encore, Millénium 2 franchit certaines frontières installées par le premier épisode, le dénouement faisant place à un véritable défoulement de haine, insistant parfois avec lourdeur sur les détails les plus « bouchers ». A ce jeu-là, la mise en scène de Daniel Alfredson acquiert assurément un certain relief par rapport au reste du film, mais au prix d’un manichéisme appuyé (on vous aura prévenus : les méchants de Millénium 2 sont très, très vilains). L’écueil de la maladresse n’épargne donc pas cette saga suédoise, y compris dans des détails plus amusants, comme un placement de produit osé, celui d’un tabouret Ikéa qu’il faut au moins, on s’en doute, une hackeuse du niveau de Lisbeth Salander pour pouvoir monter... C’est aussi avec une impression de kit un peu pré-conçu qu’on ressort de cette suite tout de même bien huilée, et qui réussit à maintenir l’attention vive pour les aventures de son héroïne décalée ; mais comme pour tout solide bricolage, le résultat final, s’il tient debout, aurait demandé volontiers quelques ajustements.

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