Le 12 juin 2024
- Genre : Roman graphique, Société, enquête
- Editeur : La Boîte à bulles
- Famille : BD Franco-belge, Roman graphique
- Date de sortie : 6 mars 2024
Une enquête judiciaire impeccable sur un crime innommable.
Résumé : Le 17 mai 2018, une jeune migrante de 2 ans trouve la mort lors d’une course poursuite entre une camionnette de clandestins et la police belge, après un coup de feu. L’album retrace les éléments de cette tragédie et le crime d’État qui a été dissimulé.
Critique Avant toute chose, et le titre de ce livre en témoigne, cette oeuvre est pour une petite fille innocente, dont la mort atroce a été couverte par un mensonge d’autant plus affreux qu’il émane d’autorités publiques. Pour porter cette accusation, Manu Scordia mène une enquête graphique solide, précise et très neutre dans les faits présentés, s’appuyant principalement sur le travail du journaliste Michel Bouffioux pour étayer les arguments, remonter le fil de la nuit, décortiquer les communications et hésitations qui ont conduit à troubler les médias et la justice. Est-ce un acte délibéré ? Il ne faut pas parler de complot (et d’ailleurs aucun des acteurs du livre ne font mention de ce mot trop connoté, et forcément trop bête, pour désigner cette action), mais il faut reconnaître un système qui sert à cacher la faute, à protéger, à couvrir plutôt qu’à éclaircir, et c’est toute une dimension de la justice qui se retrouve prise au piège : les migrants sont-ils une sous-humanité au point de ne pas la mériter ? Cette petite fille de deux ans, victime innocente, qui va servir pour certains papiers de "bouclier" par leurs parents, est donc non seulement assassinée, mais peut servir de prétexte pour les rabaisser, les inférioriser, pour surtout ne pas les humaniser. C’est bien là le problème de notre société du XXIe siècle, de vouloir fermer les yeux sur certains éléments, ou de faire détourner ce regard qui montrerait une faillite dans ses valeurs. Enfin, il faut le dire, si les éléments sont à charge des policiers, rien dans l’album ne dit qu’il ne faudrait plus de police, que leur métier est fasciste ou quoi que de soit d’extrême, mais il s’intéresse davantage à cette mise en place d’un bouclier public immédiat pour esquiver de se retrouver soi-même du mauvais côté de la justice.
- © la Boîte à Bulles / Scordia
L’appareil graphique que déploie Manu Scordia pour décrypter cette machine mise en branle en quelques heures est assez fort et intentionnel : un dessin qui ne se veut pas réaliste au possible, pour ne pas abîmer les personnes concernées (parents, policiers, fonctionnaires, ambulanciers ou médecins qui sont autant de témoins de ce procès graphique), pas assez rudes pour ne pas les déshumaniser (là encore les coupables sont rugueux, sans regards, mais restent débonnaires dans leur physique), sans tomber dans la caricature (l’album est un hommage à Mawda, il s’agissait de voir en elle son innocence et sa peur, mais sans en faire un personnage du type mignon). Avec sa monochromie, où le gris est essentiellement mis en avant, comme pour dire que rien n’est vraiment ni noir ni blanc, l’album au format presque comic dresse un tableau où la tristesse semble couler, mais où la vérité transpire également.
- © la Boîte à Bulles / Scordia
Album enquête, Mawda reprend par les faits et uniquement les faits les étapes et les dérives d’un accident qui aurait dû être vérifié et surtout mis en lumière plutôt que dissimulé, symbole d’une époque qui veut garder les migrants dans l’anonymat et l’ombre, même s’il s’agit d’une enfant innocente.
176 pages – 22 €
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Galerie photos
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