Manuel de libération - la critique du film

Notre avis : Au début, c’est un plan très serré, un cadre dans le cadre, comme une fenêtre ouverte sur le monde. Le ton du documentaire est donné dès la première image : nous sommes bel et bien dans une prison dorée aux allures d’internat psychiatrique. Ou plutôt est-ce l’élevage bête et méchant d’êtres humains en captivité. Toujours est-il que l’ouverture, la direction et l’activité de ces établissements sont tout à fait… légales !
Nous sommes en Russie, et l’article 29 du code civil prévoit que des citoyens présentant (ou plutôt semblant présenter) des troubles psychiques soient placés sous tutelle, et ce jusqu’à ce que la Cour les déclare de nouveau en pleine possession de leurs capacités mentales. C’est ce qui se fait appeler l’incapacité légale. Voilà le thème central de Manuel de libération, dont le titre n’est pas sans équivoque.
Une heure vingt durant, nous suivons l’existence de Yulia et Katia, deux pensionnaires de l’internat ayant décidé de se battre pour retrouver leur liberté et leur indépendance. Mais, comme partout ailleurs, les démarches administratives sont longues et n’aboutissent que rarement. De juges souvent corrompus en tuteur parfois surprotecteurs, la vie est loin d’être belle.

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Avec cette chronique sociale douloureuse, Alexander Kuznetsov fait voir une autre face de son pays natal, tapie dans l’ombre des lois : celle d’une Russie qui laisse croire à ses citoyens que la restriction de leurs droits est indispensable à leur propre sécurité, comme à celle de la société. Dictature, quand tu nous tiens.
Si Kuznetsov marche dans les pas de Frederick Wiseman et de son désormais classique Titicut Follies, il semble toutefois se refuser à défendre un véritable point de vue, une opinion tranchée : tout au long du documentaire, il slalome entre la distance critique du plan large et la complicité solidaire du plan rapproché, sans jamais se décider à prendre parti pour l’un ou l’autre. Peut-être était-ce trop dangereux, mais le traitement cinématographique d’un sujet tel que l’incapacité légale n’est pas sans motivation.
Par-delà les frontières et les murs de l’internat, Manuel de libération est certes inégal dans sa forme mais remarquable dans son fond.