Le 4 février 2015
Cette ode à la liberté nous fait découvrir un monde inconnu, fascinant, celui d’une résistance joyeuse et têtue, dangereuse et festive.
- Réalisateur : Alexander Kuznetsov
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Russe
- Durée : 1h07mn
- Date de sortie : 4 février 2015
L'a vu
Veut le voir
Cette ode à la liberté nous fait découvrir un monde inconnu, fascinant, celui d’une résistance joyeuse et têtue, dangereuse et festive.
L’argument : En Sibérie, à quelques kilomètres de Krasnoïarsk, se trouve une réserve naturelle où des amateurs d’escalade et de chant ont l’habitude de se réunir. Une bande de joyeux épicuriens tente de s’affranchir d’un pouvoir russe décrit comme éternellement totalitaire. Grâce au jeu, les personnages semblent éprouver de façon très concrète le goût, rare et précieux, de la liberté.
Notre avis : On avoue ignorer tout de cette coutume, combattue par des pouvoirs successifs, et qui consiste à gravir en groupes des montagnes sibériennes, les « stolbys ». Il faut parvenir à la fin du film pour comprendre en quoi ces ascensions joyeuses représentent une menace pour l’état, même si, de temps en temps, des discours nous les présentent comme subversive. C’est d’abord ce qui frappe dans Territoire de la liberté : au vu du synopsis, le spectateur s’attend à de grands espaces, des plans larges, un bol d’air cinématographique ; mais le cinéaste s’attarde surtout sur les intérieurs, les échanges, les rires, les chansons. Ce qui compte, c’est moins l’exploit physique - même s’il existe et l’émouvant passage du cimetière témoigne des risques de l’entreprise – que cette chaleur humaine, cette négation de l’individualisme contemporain. Si les paysages sont magnifiques, la caméra reste souvent au plus près des personnages, en une immersion fraternelle. Mais ces personnages sont moins des individus qu’un groupe, unis par la nécessité de l’entraide et une joie communicative. À ce bonheur du quotidien s’oppose la grandiloquence des cérémonies officielles, pompeuses et graves. C’est peut-être là l’acte suprême de la liberté : rire malgré, rire contre.
© D.R.
Même s’il est absent du film (il apparaît sur un ruban « Pour une Russie sans Poutine »), le chef de l’état projette une ombre sur tout le film, avec ces allusions aux fonctionnaires voleurs, ces remises en cause des droits. En ce sens, Territoire de la liberté est une œuvre politique, et de combat. En une résistance passive, des hommes, des femmes et des enfants vont d’isba en isba, sur des chemins de plus en plus périlleux, pour repeindre une inscription qui date de 1899, le mot « liberté ». Là réside sans doute tout le caractère fascinant de l’entreprise : c’est un acte gratuit, à la fois dérisoire et capital, une ode à la vie, au désordre, à la rébellion. Pas de lyrisme pour autant : scier et porter du bois, manger, casser la glace, vérifier son matériel, autant de gestes du quotidien, montrés sans fioritures. Si c’est une épopée, c’est avant tout une épopée intérieure, un chemin de croix festif et laïc qui parodie les processions religieuses. À chaque étape, les mêmes rituels se répètent, autour de repas et de chants (on chante beaucoup dans le film). Les hommes en profitent pour exprimer des points de vue sur le sens des mots, la liberté ou l’état du pouvoir, comme dans un roman de Dostoïevski.
Territoire de la liberté, à sa façon douce et chaleureuse, est un acte de résistance fort, un manifeste politique qui célèbre la vie en l’opposant à un état sclérosé et mortifère. On s’émeut, on admire ces héros anonymes et lorsque la caméra s’éloigne, les laissant comme à regret sur leur sommet, on peut méditer sur ce que le monde contemporain nous fait perdre d’humanité.
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.