Mental rays
Le 11 novembre 2019
Premier long métrage du Thaïlandais Phuttiphong Aroonpheng, lauréat de nombreuses récompenses et notamment du Grand Prix de la section Orizzonti de la dernière Mostra de Venise, Manta Ray est un objet cinématographique intrigant, mais quelque peu nébuleux.
- Réalisateur : Phuttiphong Aroonpheng
- Acteurs : Wanlop Rungkumjad, Rasmee Wayrana, Aphisit Hama
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Français, Chinois, Thaïlandais
- Editeur : Jour2fête
- Durée : 1h45
- Titre original : กระเบนราหู (Kraben Rahu)
- Date de sortie : 24 juillet 2019
- Festival : Festival de Venise 2018
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Résumé : Près d’une côte où des réfugiés Rohingyas ont été retrouvés noyés, un jeune pêcheur thaïlandais trouve en pleine forêt un homme blessé et inconscient. Il lui porte secours et le soigne. L’étranger se révèle être muet. Il le nomme Thongchai et lui offre son amitié. Un jour, le pêcheur disparaît mystérieusement. Thongchai va peu à peu prendre sa place...
Copyright : Jour2Fête
Notre avis : Le réalisateur nous avertit à travers une dédicace liminaire : le film s’inscrit dans la continuité de son dernier court métrage, Ferris Wheel, et il constitue une allégorie du sort tragique réservé aux Rohingyas, une minorité de confession musulmane persécutée à l’ouest de la Birmanie (Myanmar), dont les membres viennent parfois mourir dans la vase noire de la rivière Moei, qui marque la frontière avec la Thaïlande. Toutefois, le film n’évoque aucun personnage qui appartient explicitement à cette ethnie, ce qui fait évidemment référence à la clandestinité dans laquelle vit celle-ci, mais confère à la parabole une dimension quelque peu obscure pour le spectateur non averti.
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D’autant que l’œuvre s’avère bien plus poétique que politique, l’expérience qu’elle nous propose reposant principalement sur une succession de sensations, si ce n’est d’impressions visuelles et sonores. Et c’est peu de dire que l’intrigue est ténue, puisque les seuls éléments de narration s’avèrent la disparition du pêcheur en mer et le retour soudain de sa fiancée, jouée par la chanteuse de blues Rasmee Wayrana. Par ailleurs, une très grande partie des plans fait l’économie des dialogues et le montage particulièrement elliptique contribue certes à estomper la frontière entre la réalité et le fantasme, mais rend également l’ensemble quelque peu hermétique. On aura bien compris que le mutisme du réfugié symbolise celui auquel sont condamnés les Rohingyas et que le réalisateur s’emploie, en construisant son film de manière symétrique, à mettre en évidence l’interchangeabilité des figures de l’autochtone et du clandestin : mais certaines métaphores restent plus obscures, comme celle de la raie manta éponyme, dont la figure clôt d’ailleurs le long métrage.
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Force est de reconnaître le travail de photographie et d’apprécier les images vaporeuses qui jouent sur les scintillements multicolores des divers dispositifs lumineux. Force est également de saluer la réussite de la partition du duo Snowdrops, qui réunit les Strasbourgeois Mathieu Gabry et Christine Ott et qui, en associant les ondes Martenot au mellotron et en mêlant l’ensemble à des cris de Rohingyas que le réalisateur a lui-même enregistrés, contribue à proposer au spectateur une expérience envoûtante et hypnotique, liant intimement le visuel et l’auditif et déployant une poésie du mystère.
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Mais Phuttiphong Aroonpheng ne parvient malheureusement pas à éviter trois écueils auxquels se heurtent trop souvent les films thaïlandais dits d’auteur : le premier est celui du kitsch car, en mettant en scène des gardiens de la mangrove enroulés dans des guirlandes d’ampoules et en produisant des effets lumineux avec une boule disco, le réalisateur confère à l’ensemble de son long métrage une facture cheap qui en affaiblit le propos. Le second est le piège de l’esthétisme car, en bon chef opérateur, Phuttipong Aroonpheng s’emploie à mettre en scène des images très arty, qu’il oublie trop souvent d’articuler avec son propos politique. Le troisième est celui du suivisme : de fait, les énigmatiques fantasmagories de Phuttiphong Aroonpheng ne sont pas sans rappeler, tant par leur atmosphère que par le décor dans lequel elles sont tournées, les visions oniriques de son compatriote Apichatpong Weerasethakul, lauréat, il y a dix ans, de la Palme d’Or du Festival de Cannes.
Manta Ray n’est donc pas dénué de qualités, mais son réalisateur doit encore trouver sa voie propre, pour devenir un véritable auteur.
Test DVD/Bluray
L’édition DVD/Blu-ray du film s’avère de très bonne facture et propose, outre un livret tout à la fois esthétique et complet, le court-métrage "Ferris Wheel" (2015) dans la continuité duquel Phuttiphong Aroonpheng a inscrit "Manta Ray". Sortie le 3 décembre 2019
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