Le 2 juillet 2020
Manchette Lettres du Mauvais Temps, correspondance 1977-1995 nous immerge à la fois dans la vie de l’auteur et la fabrique de ses romans. Passionnant !
- Auteur : Jean-Patrick Manchette
- Editeur : Editions de la Table Ronde
- Genre : Correspondances
- Nationalité : France
- Date de sortie : 28 mai 2020
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Résumé : Compilation chronologique, exception faite de la lettre constituant l’épilogue, du courrier écrit par Manchette, à sa famille, ses éditeurs, ses amis en écriture, ses amis tout court, ses contacts, ses réponses administratives, ce recueil donne un fantastique et curieux aperçu depuis les coulisses de la vie et de l’œuvre de Jean-Patrick Manchette.
Critique : Manchette fut l’auteur de quelques romans policiers qui ont indéniablement marqué l’histoire du polar, entre les années 1970 et 1980 (Le petit bleu de la côte Ouest, la Position du tireur couché, entre autres). Certains d’entre eux ont été adaptés au cinéma ou en BD. Il fut aussi critique de cinéma et chroniqueur de jeux de l’esprit pour différents magazines, scénariste et enfin traducteur de romans anglophones en français.
Ce recueil, qui rassemble tous ses courriers (retrouvés), nous donne un aperçu de l’homme autant, si ce n’est plus, que de l’auteur. Et l’on découvre un personnage attachant, phobique, qui parle sans honte de son mal, de la manière dont il l’a surmonté, qui est capable d’évoquer avec naturel son problème avec l’alcool.
On découvre un être engagé, à sa manière, qui discute sans polémiquer de ses convictions politiques, de sa vision du monde, justifiant ses refus d’aller à des festivals par ses convictions et aussi - un peu - à cause de sa phobie.
On va à la rencontre d’un auteur précis, pointilleux, autant dans ses traductions, dont il était très fier, que dans son écriture. A travers ses courriers, il explique comment il a procédé pour rédiger tel roman, quelle était sa démarche, son but, ses inspirations, ses références. Il critique sa propre production, justifiant par exemple les raisons de son refus de voir publiées les chroniques cinéma qu’il avait rédigées pour Charlie Hebdo. Un refus récurrent, abordé dans plusieurs de ses lettres.
On en apprend beaucoup sur l’artiste confronté à l’éternelle question de l’équilibre entre travailler pour gagner de l’argent et travailler à son œuvre. Là aussi, sans flatterie, sans honte, il partage sa vision des écrits alimentaires, des boulots qui l’enthousiasment, et de la difficulté à rédiger, difficulté augmentée sans cesse par ce besoin d’avoir un peu d’argent pour assurer le quotidien de sa famille. Manchette parle, toujours sans fard, de ce qui lui rapporte le plus, de ce qu’il aime et de ce qu’il déteste dans ses métiers d’appoint.
Puis arrive la partie la plus délicate pour un artiste curieux, qui se demande comment gérer cette dichotomie. Car, pendant près de quinze ans, l’écrivain travaille sur un roman, son "prochain roman", mais il doit s’arrêter pour prendre des boulots alimentaires, bref pour gagner de l’argent. Il est également contraint de cesser pour des raisons de santé, des soucis d’inspiration et de documentation, car Manchette était quelqu’un de très précis et il se documentait énormément sur ce qu’il écrivait. Et cette course après ce "prochain roman", qui prend forme au fur et à mesure des lettres, cette course contre la mort, que nous savons se rapprocher, alors qu’il n’en a aucune idée, cette inquiétude de savoir s’il parviendra ou non à ses fins, rendent cette lecture glaçante bien plus qu’haletante. Au bout de quelques années, il s’interroge lui-même sur ce "prochain roman" qu’il qualifie de maudit, qu’il ne peut jamais finir, car, à chaque fois, une "tuile" lui tombe dessus. La dernière malchance advient le 3 juin 1995 : Jean-Patrick Manchette meurt à l’âge de 53 ans, des suites d’un cancer.
A travers ces presque vingt années de correspondance, on découvre aussi un homme généreux en amitié, fidèle, autant que ses phobies et d’autres problèmes le lui permettaient, un être franc qui a développé des liens forts avec d’autres auteurs, d’autres personnes, des relations qui se nourrissent, entre autres, de ces lettres où il parle de lui sans pudeur, mais où il est aussi capable de donner son avis, aussi dur soit-il, sur des travaux qu’on lui soumet, toutefois sans prendre de plaisir à stigmatiser les autres. On découvre finalement un artiste à qui on aurait bien aimé écrire une petite lettre...
577 pages - 27,20€
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