Le 23 août 2017
Une adaptation qui, malgré un handicap sérieux, arrive à convaincre par des partis-pris exigeants.
- Réalisateur : Jean Renoir
- Acteurs : Pierre Renoir, Valentine Tessier, Max Dearly, Daniel Lecourtois, Alice Tissot
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Durée : 1h41mn
- Date de sortie : 12 janvier 1934
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Résumé : Dans la campagne normande en 1839, Emma épouse Charles Bovary, un médecin. Elle pense ainsi satisfaire son besoin d’évasion et de romantisme. Très vite, elle s’ennuie auprès de son mari étriqué et accumule les dettes et les amants. Elle tombe amoureuse de Rodolphe, un jeune aristocrate qui l’abandonne froidement. De désespoir, Emma se suicidera. D’après le roman de Gustave Flaubert.
Notre avis : Accueilli fraîchement à sa sortie par le public, cette adaptation prestigieuse (la NRF, Darius Milhaud… et Flaubert) respecte les principales étapes du roman, même si sa durée oblige à des coupes sévères (la noce, par exemple, passe à la trappe), coupes que Renoir regrettait amèrement. Mais sans doute est-ce sa vision singulière de l’œuvre qui dérange ; contrairement à Minnelli quelques années plus tard, Renoir refuse constamment l’éclat : le théâtre, le bal, ne sont plus des moments spectaculaires, mais des espaces étriqués qui redoublement l’enfermement d’Emma. Certes, la nature normande illumine de belles séquences ; les arbres, le ciel, les animaux, tout comme la vie quotidienne sont admirables de sensibilité.
Pour le reste, en limitant les déplacements de caméra, en utilisant des sur-cadrages fréquents pour les scènes d’intérieur, en en surchargeant les pièces, le réalisateur compose un piège qui ne cesse de paralyser madame Bovary et ses rêves : ainsi de cette belle séquence pendant laquelle Emma se dispute avec sa belle-mère, la chasse, puis, après l’intervention de Charles, lui présente de glaciales excuses ; ces quelques minutes sont vues en plan fixe, avec une grande profondeur de champ, et sans montage : Emma n’y apparaît qu’encadrée par l’embrasure d’une porte et une tenture. De même le bal à la Vaubyessard commence et se finit-il par des grilles, cependant que sa danse avec un cavalier qui n’a rien d’un Apollon achève de détruire les illusions du spectateur, sinon celles de l’héroïne. On pourrait multiplier les exemples, comme la tentative de suicide filmée en légère plongée. Ce parti-pris, s’il fait preuve d’une vraie vision, donne au film quelques chose d’empesé, de statique dont on comprend qu’il puisse gêner.
Mais ce qui gêne surtout, c’est le choix de Valentine Tessier, aussi mal à l’aise avec les animaux de sa ferme que pour exprimer des sentiments complexes ; exagérément théâtrale, elle côtoie parfois le ridicule. Surtout qu’elle détonne dans un ensemble cohérent : Pierre Renoir, le frère, compose admirablement un Charles pataud, toujours à contretemps ; Robert Le Vigan abandonne tout cabotinage pour interpréter un Lheureux matois ; quant à Homais ou l’abbé, ils personnifient la bêtise dans des séquences jouissives. Même si on sera plus réservé sur Rodolphe ou la première Madame Bovary, dont la mort est un sommet d’humour involontaire, les comédiens incarnent véritablement leurs personnages avec une belle harmonie.
En enserrant ses protagonistes dans des cadres figés et étouffants, Renoir distille de vraies miniatures : Emma écrivant à la veille de son suicide n’évoque-t-elle pas un tableau charmant ? Sa marche vers le notaire a de même une beauté simple et picturale. Ailleurs, ce sont des notations, comme la lettre déchirée par la fenêtre d’une calèche, ou la précision des décors, qui donnent à cette œuvre imparfaite mais passionnante un cachet singulier ; moins immédiatement séduisante que la version de Minnelli, âpre et sombre, elle privilégie des séquences très travaillées, presque closes sur elles-mêmes, qui font de Madame Bovary une interprétation fascinante
du roman.
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