Les chemins de la liberté
Le 22 février 2017
Une oeuvre sur la liberté guidant le peuple Nord-Coréen, ou la difficile émancipation d’une femme qui a connu plusieurs vies.
- Réalisateur : Jero Yun
- Acteur : Inconnus - Anonymes
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Sud-coréen
- Durée : 1h11mn
- Titre original : Mrs.B. A North-Korean woman
- Date de sortie : 22 février 2017
- Festival : Festival de Cannes 2016
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Résumé : Madame B, nord-coréenne, a été vendue de force à un paysan chinois par ses passeurs. Pour gagner sa vie en Chine et aider les siens restés en Corée du Nord, elle devient trafiquante. Elle réussit à faire passer sa famille en Corée du Sud et se lance à son tour avec un groupe de clandestins pour enfin vivre auprès de ses enfants. Au terme d’un périlleux voyage, Madame B est accueillie par les services de renseignement Sud-Coréens. Sa vie prend une toute autre tournure que celle dont elle rêvait.
Notre avis : En 1945, à l’aube de la Guerre de Corée et alors que les Américains et les Russes se divisaient le monde suite à la Seconde Guerre mondiale, une ligne de cessez-le-feu a été érigée entre le Nord et le Sud. La construction de cette frontière de 238km allait avoir des conséquences dramatiques sur la population des deux pays, qui n’est aujourd’hui plus une nation unique menée par deux régimes différents mais bien deux groupes distincts qui ne se comprennent plus.
Alors que la Corée du Sud a prospéré, la Corée du Nord a connu une crise sans précédent dans les années 1990. La famine a ainsi poussé des milliers de migrants à fuir vers le Sud, multipliant les passages illégaux vers la Chine. Alors que les passeurs chinois y ont vu l’opportunité de répondre aux besoins de main d’oeuvres des familles désespérées par la politique de l’enfant unique et au manque de compagnie féminine, la Corée du Sud a choisi de s’adapter de manière très sévère à ce flux migratoire. Comment gérer au mieux les milliers de migrants qui passent la frontière ? De quelle manière se prémunir contre la venue d’agents du Nord au milieu de tous ces groupes de réfugiés ? Services de renseignement et Centres de rééducation (rien à voir avec la santé) ont ainsi proliféré à Séoul, offrant aux militaires l’opportunité de mettre en pratique des mesures très dures contre « les nouveaux arrivants » (appelés saeteomin en Corée du Sud), afin de bien distinguer cette communauté du reste de la population.
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Ce sont tous ces éléments politiques et sociaux, forcément très complexes, que le réalisateur coréen Jero Yun a réussi à représenter au cœur d’un documentaire qui suit, caméra à l’épaule la plupart du temps, une femme qu’il a rencontrée et suivie, entre la Corée du Sud, la Chine, le Laos ou encore la Thaïlande. Oeuvre nécessaire par son intelligence, qui parvient, en seulement 1h11mn, sans narrateur, avec des images éloquentes et peu de dialogues, à exposer la réalité des relations entre ces différents pays et leurs populations, Madame B, histoire d’une Nord-Coréenne a logiquement été primé au Moscow International Film Festival et au Zurich Film Festival, qui l’ont récompensé du Prix du Meilleur documentaire.
Film majeur et bouleversant, qui développe les thèmes de la séparation mais aussi de la réunification, ce documentaire expose des faits à différentes échelles, cherchant toujours à jeter l’œil le plus discret possible sur une réalité qui s’expose sans jugement ni commentaire. Le spectateur a ainsi tout le loisir (ce qui est fort agréable et relativement rare au cinéma), de forger sa propre opinion au regard de l’histoire incroyable de Madame B.
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Le réalisateur s’est ainsi lancé dans une incroyable aventure en suivant Madame B dans sa traversée d’une grande partie de l’Asie. Les images évoquent à elles seules la difficulté de tourner dans la clandestinité, entre les immigrants, les passeurs et les militaires qui les épient. Débutant en Chine, au cœur de la famille chinoise qui a acheté Madame B, le film la suit ensuite sur les chemins du Laos et de la Thaïlande, dans des sentiers empruntés par des milliers d’immigrants qui veulent rejoindre la Corée du Sud. Deux ellipses majeures encadrent son histoire : il n’a pas été question de la filmer en Corée du Nord, évidemment, ni de montrer ses premières heures en Corée du Sud, Madame B ayant été internée en Centre de rééducation dès son arrivée à Séoul, où les militaires interrogent les migrants et les forment à la vie capitaliste du Sud. S’adapter…ou repartir ! C’est en substance ce que montre un film qui essaye de nuancer les a priori occidentaux sur une Corée du Nord démoniaque et une Corée du Sud démocratique. La question soulevée par le réalisateur n’est finalement pas là : ce qu’il souhaite avant tout, c’est dresser le portrait de l’archétype même du malheur causé par la séparation des deux Corée qui continue aujourd’hui d’avoir des conséquences très graves sur toute l’Asie.
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Si le réalisateur avait déjà traité des questions de migration, de séparation et de politique dans ses films antérieurs, son propos est avant tout d’essayer de comprendre les lourdes conséquences d’une guerre qui change encore les destins d’hommes et de femmes comme Madame B, au nom de la raison d’État. Son film détaille ainsi les décisions que cette femme a dû prendre pour assurer sa survie et comment elle a lutté pour sa liberté. Esclave dans son pays d’origine, vendue dans son pays d’accueil, puis soupçonnée d’espionnage dans une nation où elle espérait trouver des frères, Madame B représente tous ces destins brisés et la difficile lutte pour la liberté.
Petit à petit, se libérant de son pays, puis d’une société patriarcale qui l’a obligée à avoir une famille qu’elle a réussi à faire passer en Corée du Sud, mais qui n’a pas pu s’adapter à sa nouvelle liberté de ton et d’esprit, Madame B permet un formidable portrait de femme qui cherche à s’émanciper et à se libérer de toutes ses chaines. Une anonyme exceptionnelle au cœur d’un film bouleversant, qui dresse un portrait tout en finesse des conditions de vie en Asie de l’Ouest.
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