Le 17 février 2016
Plus qu’un remake, M est une réécriture tragique, portée par une mise en scène et une interprétation au cordeau.
- Réalisateur : Joseph Losey
- Acteurs : Steve Brodie , Howard Da Silva, David Wayne, Luther Adler, Martin Gabel
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h27mn
- Date de sortie : 8 février 1952
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– Reprise : le 17 février 2016
Plus qu’un remake, M est une réécriture tragique, portée par une mise en scène et une interprétation au cordeau.
L’argument :Un insaisissable tueur en série kidnappe et tue de façon abjecte des fillettes. Il est activement recherché par la police. Mais le mécontentement des habitants est tel, que la pègre de Los Angeles craignant également que la police ne finisse pas fouiller dans ses affaires, ne tarde pas à s’en mêler. Débute alors une chasse à l’homme haletante.
Notre avis : Curieuse idée a priori que de faire un remake, vingt ans plus tard, du chef-d’œuvre quasi abstrait de Fritz Lang, reprenant le même sujet et plusieurs thèmes (le rôle de la pègre, le sifflotement du criminel, jusqu’au prénom de la première victime). Mais Joseph Losey, il l’a raconté dans des entretiens, a été contraint de réaliser ce film et n’a pas revu l’original avant. Au petit jeu des ressemblances / différences, on se noie dans des détails qui au fond desservent l’un sans grandir l’autre. Mais, comme l’ont prouvé d’autres après lui, Gus Van Sant avec Psychose ou Peter Jackson avec King Kong par exemple, refaire une œuvre c’est obligatoirement la transposer, la réécrire par le prisme d’une époque différente. M aux États-Unis et dans les années 50, c’est autre chose, non seulement un décor mais des mentalités, des obsessions, qui trahissent son temps quand bien même l’intrigue est respectée.
Un décor donc : Losey tire le meilleur parti d’une Amérique gigantesque avec ses escaliers et ses panoramas majestueux, leur donnant une présence abstraite, plus géométrique que vivante ; nombreux d’ailleurs sont les lieux vides, déshumanisés. Hormis quelques endroits conviviaux (un bar, une fête foraine), on est loin d’un pays débordant de vitalité. Les espaces sont froids, inhospitaliers, verticaux et finalement trop grands pour l’homme. Du centre commercial bouclé au parking des séquences finales, le cinéaste dessine le contour d’un monde déserté mais aussi sous surveillance, et captif d’une paranoïa destructrice. Comme de juste, les autorités (juges, maires) y sont décrédibilisées, et seule la pègre constitue une organisation fiable. En ce sens le film reste d’une belle actualité avec le bon peuple transformé en délateur et la critique aussi vaine que floue des institutions.
Là où Lang conservait des traces d’expressionnisme tout en réinventant une esthétique, Losey travaille les codes du film noir, magnifiant, par une photographie exceptionnelle et à laquelle la copie restaurée rend justice, cette traque très sombre. C’est un déferlement de cadres sculptés, d’ombres aussi rares que signifiantes (voir les moyens de masquer le visage du criminel), de détails symboliques (le banc incliné, les barreaux ou grilles qui l’entourent et disent assez ses tourments intérieurs). De cette maîtrisé sans ostentation naît un bel équilibre classique, renforcé par le refus des ornements, des intrigues parallèles. L’essentiel, seulement l’essentiel.
Mais Losey, filmant en 1951, ne peut échapper à la sur-signification : son meurtrier, muet, pendant la majeure partie de l’œuvre, est en proie à des pulsions que le scénariste, en homme de son temps, se charge d’expliquer : on a ainsi droit à une photo de la mère, une répulsion vis à vis des femmes, et un discours final qui enfonce le clou. Sans doute est-ce la partie qui a le plus mal vieilli ; Hollywood s’est souvent fourvoyé dans son utilisation de la psychanalyse, la simplifiant à l’extrême pour la régurgiter dans de grandes lignes apaisantes.
Reste que, avec son rythme haletant, sa science du cadrage et des mouvements d’appareil savants (voir ces deux travellings avant vers le visage de l’assassin, ou la scénographie théâtrale dans le parking), Losey imprime à son film la noirceur tragique d’une histoire réduite à son essence. Mais cette vision serait moindre sans une interprétation hors-pair, qui oppose la retenue du policier aux gestes torturés et aux grimaces révélatrices du meurtrier. Oublions l’original ; ce M est un polar majestueux qui se suffit à lui-même et fait bonne figure dans la filmographie du cinéaste américain.
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