Le 16 juin 2014
- Date de sortie : 1er juin 2014
Après moult péripéties - rappelez-vous, la grève SNCF - l’équipe BEDEO a réussi à se poser au festival de Lyon BD. Et nous voilà au Palais du Commerce pour découvrir l’homme qui va nous ouvrir les yeux sur Game Of Thrones, celui qui va nous révéler sa carrière d’auteur de comic et qui s’est retrouvé happé par les producteurs pour travailler sur la série ! Qui est cet homme mystérieux ? Quelle est cette plume magique ? Que va-t-il nous révéler de la saison cinq, sans spoiler évidemment ?
Il s’agit de Simpson, William Simpson. Ce nom ne vous dit rien ? Pourtant cet homme dessine depuis vingt ans des comics, peint et illustre pour le cinéma et maintenant pour la télévision. Une carrière bien suffisante pour justifier sa présence ici !
William Simpson, c’est lui !
Mais quel est le travail de cet homme sur la série ? Où intervient-il ? Allons, allons, n’allons pas trop vite et commençons par le début, enfin, presque. William Simpson est un Irlandais de Belfast. Il grandit paisiblement et se décide à se lancer dans une carrière artistique. Le voilà, tout jeunot, en première année d’une école d’art, avide d’apprendre à s’exprimer à travers ses pinceaux. Mais las, loin des légendes urbaines entourant ce milieu, il tombe sur un univers fermé, qui lui enseigne que la finalité de ses études et de faire comme au musée. William se rend compte que l’ouverture vers d’autres médias vient des élèves et non des professeurs ; la BD, la pop culture sont là et sont aussi des moyens d’avancer, de créer. Alors William quitte l’école après un an d’incompréhension, peint des paysages et des portraits, et trouve même quelques commandes dans ces domaines. Il refuse les étiquettes et veut être artiste, puiser dans tous les secteurs, graphistes, designer, dessinateur, peintre, pour s’enrichir, humainement et artistiquement parlant, s’entend. Et alors il se retrouve dessinateur de comics ! William Simpson a passé à la moulinette de ses pinceaux des personnages connus comme Hellblazer, Judge Dredd ou encore le petit Batman.
Judge Dreed ? ah, j’avais compris judge Dredd, autant pour moi...
C’est alors qu’il trouve un boulot de storyboardeur pour un film à petit budget. En regardant les acteurs, il développe un travail particulier qui lui vaut d’être remarqué par l’équipe du Règne du Feu - rappelez-vos le mythique duo Matthew Mac Conaughey et Christian Bale-. L’animateur de la rencontre s’emballe, sort un magnifique plan tiré du film et demande à William " Alors, les dragons, c’était toi ? "
Et quel dragon !
Réponse de l’intéressé : "Non, j’ai juste fait les paysages." C’est surtout là sa première expérience d’art concept et ces paysages l’amènent au film Your Highness.
James Franco, Nathalie Portman, quel casting !
Malgré les avis défavorables de son entourage, la difficulté de ses premières approches, William s’entête et parvient à rencontrer le producteur allemand. Un homme glacial qui tourne rapidement les pages de son book en lâchant d’un ton monocorde des "Ja... Ja... Nein... Ja... Nein, Nein !" William repart, déçu et apprend quelques temps plus tard... qu’il est engagé.
Le réalisateur lui demande sans cesse de modifier son storyboard : "Hé William, rajoute un dragon féroce qui passe derrière les personnages !" Notre storyboardeur s’exécute et enrichit son travail. Mais la production serrant les cordons de la bourse, nombre de modifications pourtant demandées ne seront pas gardées... Six mois à dessiner du storyboard dont de nombreux travaux resteront vains.
Willliam a pourtant continué dans cette voie. Et alors qu’il travaillait sur un nouveau projet, un homme mystérieux l’appelle, lui demande s’il peut travailler le week-end pour lui faire quelques dessins pour un projet. William accepte, envoie ses dessins et repart sur son storyboard en cours.
L’un des premiers dessins envoyés par William à "l’homme au téléphone"...
Quelques temps plus tard, l’homme le rappelle et lui lance "On va commencer l’adaptation de Game Of Thrones", William de demander "Mais les quelques planches de la dernière fois c’était pour ça ?" L’homme répond par l’affirmative. William, qui ne connaissait pas du tout ce cycle de livres, demande simplement s’il a le job. Ce jour-là, il devient concepteur artistique et storyboardeur officiel de la série.
Storyboardeur... ce mot vous interpelle, ou pas ? L’animateur du débat, qui a suivi le parcours inverse de William Simpson - dessiner des storyboards avant de devenir dessinateur de BD - nous explique la différence entre storyboard et BD.
Le storyboard, répondant au doux nom de scénarimages en français, est un document intermédiaire de travail mettant en image, au format du cadre de la caméra, l’histoire racontée dans le scénario. Les cases sont donc de taille fixes et immuables. De même, le découpage en case d’une page reste invariable, à l’inverse de la BD. Le storyboard n’est pas limité par sa quantité de pages, mais par la durée du film qu’il doit représenter. Sinon, les deux médias servent à raconter une histoire et manient les ellipses temporaires. Autre point important, le storyboard ne contient pas de bulles de dialogues !
A gauche, une page de storyboard, à droite, une case de BD. Enfin, des exemples de...
De plus, on ne storyboarde pas forcément tout un film. Certains réalisateurs vont demander le storyboard des scènes d’action, d’autres de certaines séquences à effets spéciaux, d’autres encore partent sur l’intégralité du storyboard. Petite différence avec l’animation, où la majorité du temps, toute l’histoire est storyboardée. Enfin, la comparaison a tenu à rester générale et nous ne creuserons pas plus avant.
Maintenant que vous voilà, brièvement certes, informé sur le storyboard, revenons à l’aventure que vit en ce moment William Simpson au travers de ces quelques morceaux choisis de son travail commentés par l’artiste lui-même !
"Ce personnage mélange indien d’Amérique et guerrier mongol. Vous l’avez reconnu ? En fait, J’aime avoir un personnage en action pour imaginer ses armes, son équipement, qu’ils soient pratiques pour lui."
"L’armure de ce cavalier était inspirée des samouraïs. Mais elle se révéla trop chère à construire. Parfois, les idées ne tiennent pas toujours le choc de la réalité."
"Le roi Robert qui a tué un Tergacyen. Une image issu d’un Flash-Back pour le deuxième Bluray. Quand je travaille sur cette série, j’ai l’impression d’arriver à des dessins terminés et de raconter quelque chose."
"Avant, c’était plus de l’art concept. Là, on arrive à un extrait de storyboard. Il est parfois difficile de faire le lien car une scène sera tournée à Malte et une autre à Belgrade. Mais les décors doivent être homogènes."
"J’ai du faire deux versions de ce dessin, de deux points de vue différents. J’ai dessiné là la plongée, l’autre était la contre-plongée. Il faut savoir rester à sa place et ne pas donner l’impression de souffler au réalisateur les plans qu’il doit tourner."
Un talent et une belle leçon d’humilité, non ?
Ce fut une belle masterclass. Le seul regret que l’on pouvait avoir est le peu d’espace laissé à la traductrice. William était prolixe et... Irlandais, rappelez-vous ! Il parlait donc Anglais. Une traductrice était là pour jouer le rôle de l’interprète entre William et ceux de la salle qui ne pratiquaient pas ou mal l’Anglais. William parlait, la jeune interprète traduisait.
William Simpson en pleine explication, entouré de l’animateur et de la traductrice.
Jusqu’ici, tout va bien. Les choses se compliquent quand William s’exprime longtemps, laissant de grands pavés à traduire à sa voisine et la situation s’aggrave quand l’animateur, emporté par sa légitime passion pour le travail de William, le relance dans la discussion avant que la traductrice n’intervienne. Ce qui donne lieu à des échanges de quelques minutes entre les deux hommes avant la traduction, qui devait alors résumer en quelques phrases l’essentiel de la discussion.
Autre souci, quand la traductrice traduit, l’animateur et William continuent parfois de parler entre eux. Or, ce sont eux qui ont les micros, difficile alors d’entendre la pauvre jeune femme.
Notre autre regret est qu’il y ait eu peu de place pour que le public pose des questions. En fait, une seule a été accordée, qui n’eut pas le temps d’être traduite en français, puisque le petit malin a jugé bon de s’exprimer directement en Anglais.
Enfin, cette conférence a duré quasiment deux heures, deux heures à écouter et profiter de la gentillesse et de l’expérience de William Simpson. Deux heures qui se sont achevées sur la question qui tue "Vous avez déjà commencé à travailler sur la saison cinq ?"
Silence, suspense dans la salle et William répond simplement " J’ai lu les scripts de neuf épisodes. Tout de suite après, emporté par l’émotion, j’ai couru les voir pour leur dire : Oh Mon Dieu, vous pouvez pas faire ça !"
Beaucoup de surprises donc pour cette prochaine saison...
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