Le 14 avril 2025
Dans un premier film prometteur, Julien Menanteau donne la voix à un acteur éblouissant, Marco Luraschi, qui a la trempe d’un Patrick Dewaere ou d’un Gérard Depardieu à leurs débuts.


- Réalisateur : Julien Menanteau
- Acteurs : Jeanne Balibar, Marc Barbé, Phénix Brossard, Ethelle Gonzalez Lardued, Marco Luraschi, Léon Vital
- Genre : Comédie dramatique, Film animalier, Teen movie, Film de sport
- Nationalité : Français
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 1h31mn
- Date de sortie : 2 avril 2025
- Festival : Festival d’Angoulême 2024

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Résumé : Ethan, dix-sept ans, devient apprenti jockey dans une écurie d’obstacles, l’épreuve la plus violente du galop. Au contact des pur-sang, il découvre le monde des courses, des paris et de l’argent. Sa passion grandit, sa frustration aussi. Courir pour gagner, mais toujours au service des autres. Bientôt il devra choisir : transgresser les règles ou sauver sa peau.
Critique : Il n’est absolument pas étonnant que Marco Lubaschi ait reçu le prix Valois du meilleur comédien au dernier Festival du film français d’Angoulême, tant il imprime sa marque dans la peau d’un ce tout jeune homme qui fait ses premières armes en tant que jockey. L’intrigue est simple, celle de ce garçon un peu paumé, délinquant, qui purge ses derniers mois de liberté conditionnelle avec un bracelet électronique. Le pari n’est pas gagné car la concurrence est rude entre ces jeunes hommes venus tous chercher un bout de gloire sur un cheval de course. Julien Menanteau, fort de sa formation de cinéma à Montréal et à la Sorbonne, s’attaque ainsi au monde ardu des courses équestres où la triche et les rapports de force façonnent un sport largement dépendant des questions d’argent. Car derrière ces jockeys qui se rêvent les héros de demain, s’engagent des millions d’euros dans des paris sportifs pas toujours très vertueux.
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Il faut souligner l’écriture du scénario extrêmement maîtrisée. Le réalisateur parvient à jongler entre le drame psychologique, le récit initiatique dans l’univers du sport équestre, et le suspense digne d’un film policier. Même si l’on n’est a priori pas attiré par cet univers, Julien Menandeau parvient à tenir en haleine son spectateur jusque la dernière ligne droite. Il ne faut pas s’attendre à un happy end, tout comme à une tension permanente. Le long-métrage fait d’abord le portrait d’un jeune adulte, aussi attachant que défensif, qui tente, à travers sa relation aux chevaux, de sauver une vie qui pourrait succomber aux sirènes de la délinquance. S’il est issu d’un monde populaire où la violence domine, le centre hippique où il s’entraîne n’est absolument pas épargné par la brutalité des relations sociales. Les jeunes sportifs se méfient les uns des autres, obsédés par leur seule réussite, renonçant du coup à l’amitié et au lâcher-prise.
Lads est un film dense sur le monde du sport de haut niveau. Les corps sont entraînés par des adultes peu scrupuleux des règles du jeu. Les jeunes gens poursuivent la célébrité, là où les tenanciers de clubs équestres ont moins le regard rivé sur leurs protégés que leur portefeuille. Une fois de plus, Jeanne Balibar habite ce personnage avec une aisance remarquable. Voilà une actrice qui n’a pas peur de tout jouer, s’immisçant dans la peau d’une femme d’affaires dont on pressent qu’elle traîne derrière elle un passé traumatique en matière d’entraînement et de courses. Elle est quasiment la seule femme dans un univers masculin. Sa présence charismatique fait penser à celle qu’elle déployait récemment dans Le système Victoria, sinon que cette fois elle renonce au maquillage suranné pour donner à voir un visage brut, intègre, hanté par des années de lutte.
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La comédienne partage l’écran avec Marco Luraschi qui illumine véritablement l’écran de sa personnalité. Il n’est pas étranger au monde des jockeys puisque son propre père, Mario, est connu pour ses cascades au cinéma et surtout le dressage de chevaux pour le septième art. On perçoit en lui l’ombre des grands interprètes d’hier, avec cette voix, cette aisance physique et cette sensibilité à fleur de peau. L’acteur ne renonce devant aucun effort, chevauchant lui-même les étalons. Il habite son personnage avec une très grande grâce où cohabitent l’émotion et la violence refoulée. S’il a derrière lui près de treize ans de carrière, Lads constitue son premier grand rôle qui devrait lui offrir désormais une place de marque au cinéma ou au théâtre.
Lads révèle aussi un cinéaste, Julien Menandeau, qui démontre un talent dans la mise en scène et l’écriture. Le récit est absolument bien mené d’un bout à l’autre, sans jamais tomber dans les excès ou l’invraisemblance. Il dénonce avec force les ravages de l’argent dans le sport, et les dérives qui en résultent chez les professionnels. On espère que cette fiction ne rend pas compte d’un monde structurellement corrompu où la tricherie régit les relations professionnelles. En tout cas, on est pressé de découvrir le second long-métrage de fiction du réalisateur, ainsi que le prochain rôle de Marco Luraschi qui aurait tout intérêt à poursuivre son histoire artistique avec lui.