Quiproquo épistolaire
Le 26 mai 2010
Une délicieuse comédie en costume dans une Suisse alémanique du dix-neuvième siècle amoureusement reconstituée.
- Réalisateurs : Leopold Lindtberg - Paul Hubschmid
- Acteurs : Anne-Marie Blanc, Alfred Rasser, Mathilde Danegger, Heinrich Gretler
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Suisse
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– Durée : 1h30mn (version de 1952)
– Durée : 1h50mn (version de 1940 perdue)
– Titre original : Die missbrauchten Liebesbriefe
Une délicieuse comédie en costume dans une Suisse alémanique du dix-neuvième siècle amoureusement reconstituée.
L’argument : Störteler, se prend pour un poète. Marié à une femme simple dont l’ingénuité fait le charme, il ne se satisfait pas de l’amour pourtant inconditionnel qu’elle lui porte. Persuadé qu’il est que la publication d’une correspondance éclairée est l’apanage des grands hommes de lettres, il lui impose, lors d’un déplacement, un échange épistolaire hautement intellectuel. Or, si sa femme n’est pas cultivée, elle est néanmoins rusée. Incapable de répondre aux lettres ampoulées de son mari, elle décide de les recopier et de les adresser au nouveau maître d’école qui ne manquera pas, lui, d’y répondre. Changeant à nouveau l’adresse, elle les renvoie à son mari, comblé par cet échange. La manipulation fonctionne à merveille, jusqu’à ce que...
Notre avis : La nouvelle Les Lettres d’amour mal employées - Die missbrauchten Liebesbriefe fait partie du recueil Les gens de Seldwyla - Die Leute von Seldwyla publié en 1873-74. L’écrivain suisse-allemand Gottfried Keller s’y moquait avec une bonhommie non exempte de causticité de la province suisse à peine remise des troubles qui avaient agité le pays en 1847-48.
Le metteur en scène de théâtre et de cinéma Léopold Lindtberg, viennois émigré en Suisse, avait déjà réalisé plusieurs films pour la Praesens-Film de Zürich lorsqu’il s’attaqua en 1940 à cette adaptation qui allait être primée à Venise et attirer plus de 900 000 spectateurs dans les salles de la confédération. Il y retrouvait ses collaborateurs habituels, en particulier une troupe d’acteurs rodés sur les planches qui composent une galerie haute en couleurs de personnages admirablement dessinés. Alfred Rasser, dans le rôle du marchand qui se croit grand poète est une caricature vivante : costumes et attitudes sortis d’une gravure du 19ème siècle, diction qui passe sans cesse du dialecte bâlois à l’allemand châtié, tout dans la composition de l’acteur est minutieusement pesé. Pourtant son interprétation arrive à rendre presque touchant ce personnage ridicule.
Le travail avec les acteurs est indiscutablement le point fort de Lindtberg. Il avait déjà obtenu de remarquables prestations d’Anne-Marie-Blanc dans Wachtmeister Studer - Le commissaire Studer (1939) et de Paul Hubschmid dans Füsilier Wipf (1938), deux films qui avaient eux aussi obtenus d’immenses succès à l’échelle helvétique. Ici, ils sont tous deux irrésistibles. Dans son rôle de jeune épouse s’efforçant de répondre aux attentes littéraires de son mari elle est parfaite de ruse candide et de timide détermination. Lui, en jeune homme manipulé et éperdument amoureux est d’une gaucherie charmante.
La peinture de la société étriquée de la petite ville est loin d’être idyllique. Les commères qui jettent un regard désapprobateur à l’instituteur-organiste perdu dans ses rêveries pendant la messe sont croquées avec la cruauté requise. Et lorsque, après la prononciation du divorce, le commerçant-homme de lettres ridiculisé épouse la vieille fille exaltée qui tentait depuis longtemps de lui mettre le grappin dessus et que ce couple pathétique met la clé sous la porte avant de quitter la ville devenue pour eux invivable nous avons soudain le sentiment d’être dans un autre film, beaucoup plus sombre.
Mais les ombres sont passagères et c’est la bonne humeur qui domine, frôlant même la mièvrerie dans les scènes de salle de classe. Si les dialogues et le jeu de certains acteurs tendent par moments vers le théâtre, le film respire dans son ensemble une admirable fraîcheur, due en partie au tournage en extérieurs à Stein am Rhein, pittoresque petite ville tout droit sortie d’une carte postale, et dans la campagne environnante. Une perception aigüe de la nature estivale qui peut faire penser à Partie de campagne de Renoir ou au Plaisir d’Ophüls imprègne les scènes dans les champs, par exemple lorsque l’instituteur étendu dans l’herbe relit inlassablement les lettres qu’il croit écrites par l’épouse du commerçant avant de les semer maladroitement sur sa route dans sa fuite précipitée à l’apparition du mari.
Le travail du chef opérateur Emil Berna au noir et blanc contrasté que la restauration de 2005 met fort bien en valeur achève de faire de cette suite de vignettes maniéristes, animées pourtant du souffle de la vie, un délicieux moment d’humour délicat et de réelle poésie.
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