Le prolongement d’un récit qui a fait figure de best-seller est en soi gage de succès. Il y a donc tout à parier que les lecteurs de La maladie de Sachs, prix du livre Inter en 1998, se ruent dès le 20 août dans les librairies pour dévorer les quelque cinq cents pages du dernier roman de Martin Winckler, Les trois médecins, qui auraient tout aussi bien pu s’intituler "la formation de Sachs". Ils y découvriront ainsi comment le docteur Bruno Sachs s’est forgé son idéal d’une médecine humaniste en luttant dès ses premières années de formation contre le principe du mandarinat et un système d’enseignement aussi inhumain qu’éloigné des réalités de la médecine.

Fils d’un généraliste dévoué à ses patients, Bruno Sachs fait ainsi une entrée fracassante en première année de médecine en affrontant dès les premiers jours la coterie des Perses, internes et futurs internes dévorés d’ambition et admirateurs du carriériste professeur Leriche. Ces premiers coups de force l’amènent à se lier d’amitié avec André Solal, Basile Bloom et Christophe Gray, membres du groupe des Merdes, tenants de la médecine générale et militants d’un accès aux soins le plus égalitaire et le plus humain possible. Les quatre compères vont appréhender ensemble la cruauté des concours de médecine et leur sélection impitoyable mais aussi les diverses facettes de leur futur métier, de la souffrance des patients à l’indifférence de certains professeurs enfermés dans leur tour d’ivoire.

Les aventures de son héros fétiche et alter ego, donnent de nouveau l’occasion au docteur Winckler d’exprimer ses idées sur la pratique actuelle de la médecine et ses dérives. Les trois médecins illustrent sa critique féroce du système de formation médicale aujourd’hui encore en vigueur, qui condamne les étudiants dès la première année à un bachotage exténuant afin de réussir le fameux concours qui leur ouvrira les portes de la médecine. Un petit tour sur les forums de sites d’étudiants en médecine tels que remede.org tend à accréditer le réalisme du descriptif de Winckler établi tout au long d’une succession de monologues.

Si le descriptif de l’enseignement de la médecine et la réflexion qu’il suscite sont tout à fait instructifs, on ne s’attardera néanmoins guère sur le pseudo pastiche à la sauce médicale des trois mousquetaires qui alourdit sensiblement le propos de fond de cette fiction à vocation militante.

Il reste que pour l’auteur, en dépit de la pression des laboratoires pharmaceutiques pour vendre à tout prix leurs médicaments et la morgue des mandarins, un médecin est avant tout un être humain avec sa fragilité et son savoir, ses doutes et ses espoirs.