Le 28 juillet 2023
Un modèle de suspense psychologique avec trame policière en trompe-l’œil, comme si le Hitchcock de Vertigo s’invitait en terre iranienne.


- Réalisateur : Mani Haghighi
- Acteurs : Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh, Esmail Poor-Reza, Farham Azizi, Vahid Aghapoor
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Fantastique, Policier
- Nationalité : Iranien
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 1h47mn
- Titre original : Tafrigh
- Date de sortie : 19 juillet 2023

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Résumé : À Téhéran, un homme et une femme découvrent par hasard qu’un autre couple leur ressemble trait pour trait. Passé le trouble et l’incompréhension, va naître une histoire d’amour... et de manipulation.
Critique : Moins connu que Jafar Panahi, Asghar Farhadi ou même Saeed Roustayi, Mani Haghighi est un cinéaste iranien important dont on a dit le plus grand bien sur ce site avec des films comme Valley of Stars et Pig. Présenté aux Festivals de Göteborg et Toronto, Les ombres persanes est révélateur de son art, mêlant démarche auteurisante, critique sociale et conventions du cinéma de genre, loin de l’épure d’Abbas Kiarostami qui fut pendant longtemps l’étalon de la cinématographie de ce pays. Coécrit avec Amir Reza Koohestani, le scénario est un modèle de limpidité et de tension narrative. Un couple de la classe populaire non paupérisée (lui est dépanneur, elle est monitrice d’auto-école) se trouve déstabilisé face à la présence d’un homme et d’une femme qui s’avèrent être physiquement leurs véritables clones, et appartiennent à la classe moyenne supérieure, même si le mari risque de connaître des difficultés financières après avoir agressé son employeur.
- Copyright FILMS BOUTIQUE - MAJID FILM PRODUCTION - DARK PRECURSOR PRODUCTIONS
Ces quatre personnages vont nouer des liens ambigus, entre amitié amoureuse et suspicion, la ressemblance entre les protagonistes étant à l’origine de divers pactes, familiaux ou professionnels, jusqu’à ce que les intentions malveillantes de l’un des personnages débouchent sur un drame policier. Le film est captivant par son suspense progressif, et l’habileté d’un synopsis maniant avec brio la science du trompe-l’œil, à la frontière du fantastique. On songe au Hitchcock de Vertigo qui transcendait le matériau pourtant brillant de Boileau et Narcejac. Un Hitchcock qui serait transposé dans l’univers paranoïaque de l’Iran des mollahs, où chacun se sent épié et semble confronté à l’univers absurde des régimes dictatoriaux. À cet égard, on ne soulignera jamais assez l’intelligence des réalisateurs iraniens, défiant la censure par des métaphores subtiles. Pourtant, Les ombres persanes ne cherche pas l’esbroufe et la pirouette d’écriture : les retournements de situation sont limités et ce sont les personnages qui sont manipulés, davantage que le spectateur.
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Efficace et classique, mais sans être académique, la mise en scène trouve un équilibre entre le professionnalisme technique et le ton en liberté du cinéma indépendant. Les deux interprètes sont remarquables dans des doubles rôles contrastés révélateurs de leur talent. On retrouve avec plaisir l’excellente et radieuse Taraneh Alidoosti, qui illumina Le client et Leila et ses frères, avant de connaître des problèmes avec le pouvoir islamiste. Quant à Navid Mohammadzadeh (La loi de Téhéran), apte à incarner la bienveillance aussi bien que l’esprit maléfique, il s’impose définitivement comme l’un des meilleurs acteurs iraniens.