Le 4 septembre 2023
Une œuvre magistrale qui décrit, bien plus qu’une enquête contre un trafic de drogue, l’état de tout un pays, l’Iran, au bord du chaos.
- Réalisateur : Saeed Roustayi
- Acteurs : Navid Mohammadzadeh, Parinaz Izadyar, Payman Maadi , Farhad Aslani, Houman Kiai
- Genre : Thriller, Policier
- Nationalité : Iranien
- Distributeur : Wild Bunch Distribution
- Durée : 2h14mn
- Date télé : 24 avril 2024 20:55
- Chaîne : Arte
- Titre original : Metri Shesh Va Nim
- Date de sortie : 28 juillet 2021
- Festival : Festival de Reims 2021
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Résumé : En Iran, la sanction pour possession de drogue est la même que l’on ait 30 g ou 50 kg sur soi : la peine de mort. Dans ces conditions, les narcotrafiquants n’ont aucun scrupule à jouer gros et la vente de crack a explosé. Bilan : 6,5 millions de personnes ont plongé. Au terme d’une traque de plusieurs années, Samad, flic obstiné aux méthodes expéditives, met enfin la main sur le parrain de la drogue Nasser K. Alors qu’il pensait l’affaire classée, la confrontation avec le cerveau du réseau va prendre une toute autre tournure...
Critique : La séquence est saisissante : dans des canalisations gigantesques de béton, rangées sur des kilomètres d’allées, il y a des femmes, des hommes, des enfants, rongés non seulement par la pauvreté, mais aussi par le crack qui fait des ravages à Téhéran. Le crack, c’est la drogue de synthèse du pauvre. Et l’Iran est un pays démoli par des années d’embargo économique et un régime aveuglé par ses certitudes. La loi de Téhéran survient sur les écrans de cinéma comme un choc visuel et psychologique. Dès les premières minutes, le cinéaste emporte ses spectateurs dans une tension narrative incroyable, digne des meilleurs polars américains. L’enquête menée par Samad et son équipe de flics n’apparaît finalement que comme une opportunité pour révéler, sous les pavés de la capitale iranienne, une population bigarrée, ensevelie dans la misère et qui tente de trouver une respiration à son existence.
- Copyright Wild Bunch Distribution
Le long-métrage joue sur l’étouffement. Les hommes s’entassent dans des cellules miteuses, les rues étroites suintent de foules inquiètes, et les routes sont encombrées d’embouteillages interminables. L’Iran est semblable au tonneau des Danaïdes : un problème réglé, un trafiquant arrêté soulèvent d’autres affaires plus obscures, avec toujours plus de miséreux qui se gavent de drogues à bon prix. Car l’enjeu pour ce peuple est de sortir de la pauvreté. A commencer par les policiers, prêts à toutes les corruptions ou tous les mensonges pour monter les marches de la hiérarchie ou, simplement, augmenter leur pouvoir d’achat, en se payant sur la peau des délinquants. Même les dealers de bas étage font figure de résistants face au chaos économique et social qui gangrène l’Iran.
- Copyright Wild Bunch Distribution
La représentation que Saeed Roustayi dresse de l’Iran laisse sans voix. A chaque seconde, on est révolté par les méthodes expéditives de la police et de la magistrature, se rapprochant plus de la manipulation, du mensonge, voire de la torture que de la volonté de faire gagner le bien. Les malfrats obéissent finalement aux mêmes règles que les institutions chargées de faire régner l’ordre, c’est-à-dire la loi du plus fort. A ce tableau dramatique s’ajoute une conception du respect des droits de l’homme et de l’enfant très particulière. Le courage du réalisateur est incontestable. Certes, on peut lui faire le reproche parfois d’en faire trop, d’en rajouter dans les pleurnicheries. Pour autant, il dresse une vision de la société iranienne moderne sans concession. La question de la peine de mort, de la protection de l’enfance, de la nécessaire humanisation des prisons est posée, obligeant le spectateur occidental à relativiser les critiques récurrentes contre ses propres institutions. L’Iran est un pays au bord du gouffre, où la meilleure façon de survivre est de se fondre dans le silence des foules anonymes.
- Copyright Wild Bunch Distribution
Les spectateurs trouveront dans ce récit les ingrédients du polar, la matière à réfléchir sur les droits de l’homme, et tout simplement le plaisir de se laisser embarquer dans un rythme à couper le souffle. La scène finale qui précède le générique constitue peut-être le summum d’une œuvre de cinéma parfaitement maîtrisée et d’une rare intelligence. Mais l’art de la critique s’arrête là. Au spectateur d’ouvrir la porte de ce septième art et de s’abandonner à cette histoire autant philosophique, politique que romanesque et d’attendre non sans ravissement, le formidable plan large qui clôture le thriller.
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