Le 25 mars 2019
Une œuvre iconoclaste, sanglante et brouillonne, mais au message puissant.
- Réalisateur : Mani Haghighi
- Acteurs : Leila Hatami, Leili Rashidi, Hasan Ma’juni, Parinaz Izadyar, Ali Bagheri
- Genre : Comédie
- Nationalité : Iranien
- Distributeur : Épicentre Films
- Editeur vidéo : Épicentre Films Éditions
- Durée : 1h47mn
- Titre original : Khook
- Date de sortie : 5 décembre 2018
- Festival : Festival de Berlin 2018
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Résumé : Un mystérieux serial killer s’attaque aux cinéastes les plus adulés de Téhéran. Hasan Kasmai, un réalisateur iranien, est étrangement épargné. Censuré depuis des mois, lâché par son actrice fétiche, il est aussi la cible des réseaux sociaux. Vexé, au bord de la crise de nerfs, il veut comprendre à tout prix pourquoi le tueur ne s’en prend pas à lui.. et cherche, par tous les moyens, à attirer son attention.
Critique : Si l’on a en tête les films de Kiarostami ou de Panahi, Pig peut créer un choc : loin du minimalisme de l’un ou de l’engagement de l’autre (encore que…), ce film foutraque part dans toutes les directions et mêle différents genres, évoquant aussi bien La cité de la peur que After hours. Il faut dire que, comme son interprète principal, excellent, le cinéaste iranien ose à peu près tout : le kitsch et le mauvais goût ne lui font pas peur, et les têtes découpées voisinent avec les visions les plus mièvres. On pourrait même se lasser de cet assemblage hétéroclite, s’il n’y avait une folle énergie qui fait passer bien des maladresses.
Volontiers provocateur, Pig suit Hasan Kasmai, un réalisateur interdit de tournage, qui voit ses collègues assassinés par un mystérieux serial killer et se désole d’être ignoré par lui. Voilà pour l’intrigue, relancée régulièrement par un nouveau meurtre, aussi saugrenue qu’éparpillée. Mais Haghighi se sert de ce prétexte pour brosser deux portraits passionnants et angoissants.
- Copyright Épicentre Films
Le premier est celui d’un cinéaste empêché, égocentrique, bourru, capricieux, bref un insupportable adolescent vieilli qui geint et râle perpétuellement. Dans son univers féminin, sa fille et sa femme se détachent de lui et sa mère perd la tête. Autant dire que sa crise existentielle double ses problèmes professionnels et lui fait vivre un cauchemar dans lequel la réalité rejoint par ses couleurs vives et son imagerie improbable (le pédalo-lion, la femme-oiseau) un onirisme angoissant. D’une certaine manière, c’est un enfer, explicitement évoqué lors d’une séquence ahurissante, que traverse Kasmai, un effondrement à la fois intérieur et extérieur.
Le second portrait est celui d’un pays paranoïaque, miné par l’antique censure mais aussi par les réseaux sociaux qui dissolvent la vie privée en un spectacle permanent. Kasmai est filmé à tout moment, il est la cible d’une fan dangereuse qui enregistre ses faits et gestes et crée sa réputation. Ironiquement, lui dont la place est derrière la caméra se retrouve exposé en continu et devient le révélateur d’une société devenue folle : à ce titre la première séquence qui montre des jeunes filles voilées accrochées à leur portable dit assez la contamination qui n’a pas épargné ce vieux pays traditionnel. Haghighi en rit, d’un rire jaune et sarcastique, mais le constat est effrayant et promet un monde de défiance qui efface même la menace bien réelle que vivent les intellectuels iraniens.
- Copyright Épicentre Films
Certes, Pig souffre d’un trop plein et d’une baisse de régime (mais sans doute était-il difficile de tenir un tel pari sur la longueur). On reste néanmoins fasciné par le culot d’un cinéaste débordant d’imagination, osant le gore et l’énorme avec une vitalité souvent payante.
Les suppléments :
Quatorze minutes d’entretien avec le cinéaste suffisent pour raconter l’origine du film et en livrer quelques clés, précieuses pour un spectateur français. Un peu plus longue, la conférence de presse lors d’une avant-première est tout aussi intéressante, d’autant que l’interviewer et le public le relancent avec pertinence mais parcimonie (21mn). Le reste, galerie photos et bio-filmographie, n’en paraît que plus anecdotique.
- Copyright Épicentre Films
L’image :
Dans le détail, la définition n’est pas toujours optimale : les plans larges en particulier sont très légèrement en-deçà de ce qu’on peut attendre d’un DVD. Mais comme les couleurs sont vives et les noirs profonds, l’impression d’ensemble reste satisfaisante.
Le son :
Rien de bien spectaculaire, hormis quelques passages musicaux explosifs, mais les nuances des voix transparaissent parfaitement dans la piste 5.1. Pas de VF.
– Sortie DVD : le 16 avril 2019
- © Épicentre Vidéos
Galerie Photos
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