Le 2 juin 2017
Un film surabondant et énigmatique, qui tranche avec ce qu’on connaît du cinéma iranien.
- Réalisateur : Mani Haghighi
- Acteurs : Amir Jadidi, Homayoun Ghanizadeh, Ali Bagheri
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Fantastique
- Nationalité : Iranien
- Distributeur : Happiness Distribution
- Editeur vidéo : Blaq Out
- Titre original : Ejhdeha Vared Mishavad!
- Date de sortie : 25 janvier 2017
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Résumé : 23 janvier 1965. Le lendemain de l’assassinat du Premier ministre iranien, l’agent Babak Hafizi est envoyé par la police secrète sur l’île de Qeshm, à l’est du golfe Persique, pour enquêter sur le suicide suspect d’un dissident en exil. Parcourant la mystérieuse vallée des étoiles accompagné d’un géologue et d’un ingénieur du son, Babak va découvrir que ce lieu renferme bien des secrets : d’un cimetière hanté à une disparition mystérieuse, le trio devra essayer de démêler mythes et réalité.
Critique : On défie quiconque de parvenir à raconter cette histoire particulièrement labyrinthique, qui oscille entre « présent » et passé, fait intervenir une mise en abyme vertigineuse (le cinéaste, Haghighi, présent à l’écran, parle de son film comme d’un documentaire, un personnage joue son « propre rôle »…), multiplie les fausses pistes, les allusions et images énigmatiques. Récit gigogne, Valley of Stars n’en est pas moins pétri de références qui vont de Maupassant à Lovecraft, mais elles se perdent dans un scénario retors qui refuse de les exploiter. Au fond, on est devant un spectacle proprement déceptif, qui trompe et abuse de la crédulité du spectateur tout en ne dévoilant aucune des clés indispensables à sa compréhension.
- Copyright Happiness Distribution
Le film repose sur une histoire ancienne (1964), trois hommes ayant eu affaire à un séisme très localisé (donc impossible), limité à un cimetière ancien au centre de légendes. Mais il commence par un interrogatoire plus récent, et se poursuit avec des images du « présent », c’est à dire au moment du tournage. De ces trois temporalités avec lesquelles il jongle abruptement, le cinéaste tire des effets de réel (l’« Agence » inquiétante, l’équipe technique) qui densifient la narration et, par un jeu de disparitions et témoignages, brouillent encore la compréhension. Il faut donc accepter de se perdre dans ce dédale et accepter d’être déçu par les explications opaques ou parcellaires, pour goûter le sel de cette œuvre peu commune, ovni du ciel iranien, mais aussi dans la production habituelle. En un sens, il s’agit bien d’expérimental, d’un croisement de genres (fantastique, policier, documentaire) dont Haghighi ne conserve que des topoï qu’il disperse de manière à n’être que des promesses jamais tenues.
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Il y aura donc d’intrigantes formules (« celui qui me retourne connaîtra mon secret », « tu ne comprendras qu’après avoir fumé », autant d’annonces qui n’aboutissent pas), des monstres épouvantables (le serpent, jamais montré, est-il un dragon, la créature recouverte d’écailles ?) qui suscitent la peur des personnages, un fantôme qui hante le cimetière, et on en passe beaucoup. Sauf que ces détails ne sont que des fragments de réminiscences littéraires qui tournent autour de l’indicible, des questions ouvrant sur d’autres questions. Autrement dit, le cinéaste interroge la possibilité de raconter une histoire fantastique ; déconstruite, minée par un montage abrupt, elle se déroule sans avancer et se brise sur des impasses, la multiplication des énonciateurs ajoutant à la confusion.
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Pour autant, Haghighi ne s’en tient pas à ces signes extérieurs ; s’il développe une esthétique somptueuse dont les décors sont l’écrin, il fait aussi la description d’un pays rongé par les superstitions et croyances les plus diverses, mais encore par la paranoïa : les personnages sont constamment épiés, la fameuse agence semble tentaculaire, et les menaces fantastiques sont l’écho de dangers bien réels (à cet égard l’interrogatoire est glaçant). C’est que le réalisateur, pour parler de l’Iran, avance masqué : il soigne une atmosphère délétère sans jamais la référer à une situation précise. De là une angoisse indéfinie, qui tient moins aux péripéties qu’au caractère énigmatique de l’ensemble.
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Dans cet embrouillamini qui peut paraître forcé, chacun tirera les fils qui l’intéressent ; c’est en quelque sorte une auberge espagnole et on est prié de faire des choix, tant les propositions sont nombreuses ; ainsi de cette piste passionnante de la société secrète, avec cérémonies et initiation ; on pourra aussi se laisser aller à traiter comme une bouffonnerie surréaliste cette suite incongrue. C’est la force du film que d’avancer quantité de possibilités ; c’est également sa faiblesse : pour qui ne rentre pas dans ce jeu ouvert, le temps paraîtra long et le film indigeste.
Les suppléments :
Un unique entretien avec le réalisateur qui analyse les sources (un article,un roman de Bolano, Close up de Kiarostami) et ses intentions, s’interrogeant sur le cinéma iranien. Intéressant, mais un peu court.
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L’image :
La splendeur des décors éclate dans cette belle copie, nuancée, contrastée ; les intérieurs nocturnes sont aussi bien servis que les magnifiques paysages désertiques.
Le son :
Pas de VF, mais les deux pistes (5.1 et 2.0) captent de belle manière le silence du cimetière, les dialogues chuchotés ou les cris et surtout la musique qui joue un rôle important.
– Sortie DVD : le 12 juin 2017
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