En 1629, le Batavia, propriété de la Compagnie hollandaise des Indes orientales, fait naufrage sur un archipel de corail au large des côtes australiennes. Son équipage réussit à gagner à gué une île déserte, sur laquelle le capitaine et le patron du navire laissent quelque trois cents personnes, tentant de joindre Java à bord d’une chaloupe pour y chercher de l’aide. Et laissant des hommes, des femmes et des enfants en quête d’un chef, qu’ils trouveront dans le lettré Jeronimus Cornelisz, apothicaire ruiné, adepte d’idées hérétiques, qui avait tenté de prendre discrètement le contrôle du bateau peu avant l’accident. Un projet remis au retour du capitaine, mais facilité désormais par sa nouvelle position : Cornelisz rassemble les mutins et se débarasse des naufragés jugés inutiles ou susceptibles de lui barrer le chemin. En six semaines, il fait assassiner la moitié des survivants. De la manière la plus sauvage et la plus arbitraire possible. Le massacre est d’autant plus ahurissant qu’il est authentique, et Simon Leys le décrit brièvement, presque brut de décoffrage. Non pas qu’il n’en sache plus, mais parce que ce sujet sur lequel il travaillait depuis longtemps, Mike Dash l’a raconté peu de temps avant lui. Son livre, L’archipel des hérétiques, fait référence [1].

Dans l’ombre de son grand frère, Les naufragés du Batavia n’est pas pour autant un livre au rabais. Sec, condensé, rythmé, il se lit avec plaisir et effroi. Idéal pour une dégustation les pieds dans l’eau, face à la mer. Pareil pour le Prosper qui suit, relatant les premières aventures de l’auteur en mer, à bord d’un thonier breton à voile. Un récit chaleureux et nostalgique sur "un monde qui a disparu".