Les Grandes manœuvres - la critique du film

Notre avis : 1913, une ville de garnison. Le lieutenant de la Verne (Gérard Philipe) quitte précipitamment un hôtel particulier, au petit matin, en rasant les murs. Il retrouve son camarade de chambrée, le capitaine Félix Leroy (Yves Robert) qui lui annonce qu’une femme (Simone Valère) l’attend depuis la veille, dans sa chambre. C’est une femme mariée avec qui il a une liaison, et avec qui il a oublié qu’il avait rendez-vous. Celle-ci a passé la nuit à fouiller sa correspondance qui pullule de lettres d’amour, envoyées par de multiples conquêtes.
Ainsi, commence ce film, en forme de marivaudage. Tout est léger, sans importance, l’armée semble être une armée d’opérette où les officiers passent plus de temps à séduire les femmes et s’en vanter ensuite dans des banquets interminables, plutôt qu’à subir la dure loi de la vie militaire. Le tournage en studio, et l’emploi en majorité de comédiens de théâtre (Gérard Philipe en tête), renforcent cet effet de futilité évidemment voulue.
Et puis, en raison d’un pari stupide, les événements vont petit à petit tourner au drame.
Une grande quantité de détails succulents, parfois inutiles à l’intrigue, émaillent le film : deux tasses cassées, un fauteuil d’orchestre qui grince, une fleur qui va se retrouver sur la boutonnière de la mauvaise personne, une chanson de comique troupier passée sur un gramophone, devant une assemblée de personnages coincés qui prennent le thé, les commérages incessants...
René Clair fait preuve d’une élégance que n’aurait pas reniée Max Ophuls, travellings en moins ! L’interprétation sans effet des comédiens s’intègre parfaitement à l’esprit voulu par l’auteur. Ainsi, Michèle Morgan, dont le jeu est naturellement neutre, y trouve sa place. Le tout est rehaussé par les décors de Léon Barsacq, les costumes extraordinaires de Rosine Delamare, ainsi que l’image remarquable de Robert Le Febvre, Robert Julliard et Daniel Diot.
Et quelle distribution ! En plus des comédiens et comédiennes déjà cité(e)s, on croise, dans le désordre, Pierre Dux, Jacques François, Claude Rich, Jacques Fabbri Jacques Jouanneau, Daniel Ceccaldi, Jacqueline Maillan, Dany Carel, Madeleine Barbulée, Magali Noël...et dans un si petit rôle que l’on peine à le reconnaître : Michel Piccoli !