Le 6 mars 2018
Sidonis a déniché une petite perle du noir, un film nerveux et parfaitement maîtrisé.
- Réalisateur : Phil Karlson
- Acteurs : Richard Conte, Kathryn Grant, Dianne Foster
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Thriller, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Editeur vidéo : Sidonis Calysta
- Durée : 1h32mn
- Titre original : The Brothers Rico
- Date de sortie : 1er octobre 1957
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– Sortie DVD : le 5 mars 2018
Résumé : Eddie a laissé son passé avec la mafia loin derrière lui. Devenu un honnête commerçant, celui-ci se voit bientôt obligé de replonger dans le milieu quand la police se met à la recherche de ses frères.
Notre avis : Eddie recherche son frère Johnny que l’ « organisation » veut éliminer. Il rencontre d’abord Norah, sa femme enceinte : dans le plan qui les oppose, ils sont de part et d’autre d’un poteau, visualisation de ce qui les sépare. Johnny arrive, et la scénographie les réunit en un triangle antagoniste, puis, quand le couple s’unit contre Eddie, le montage leur attribue un espace différent : tout est dit. Des séquences comme celles-ci, rigoureuses, intelligentes, d’un beau classicisme, Les frères Rico en contient un grand nombre, d’autant qu’il ne laisse que peu de respiration : dès un début presque allègre, le coup de téléphone de « Phil », sans qu’on sache encore qui il est, laisse planer une menace qui ne fera que croître.
À partir de cet appel, que la femme d’Eddie comprend comme dangereux, même si lui minore le problème, il se retrouve pris dans un engrenage qu’il ne comprend que tardivement : croyant protéger ses frères, il les mène à la mort, condamnant presque dans une scène déchirante Johnny à sortir pour se faire abattre. Difficile de faire plus noir, et, malgré une fin aussi invraisemblable que maladroite, le destin implacable ne laisse aucune chance au protagoniste ; le dialogue le souligne d’ailleurs à plusieurs reprises : c’est un homme de main qui affirme qu’il « était trop tard même avant qu’ [il] quitte Miami », et la femme d’Eddie reprend presque les mêmes mots quelques minutes après (« il a toujours été trop tard » : n’est-ce pas une belle définition de la tragédie ?). Quant à la mère, elle « ne distingue plus le bien du mal » dans un monde dont les valeurs semblent inversées : elle a sauvé la vie du « parrain », Kubik, et il fait tuer ses deux fils. Valeurs inversées, relations faussées (l’« oncle Sid » est un bourreau), danger permanent, on est bien dans un « noir », presque paranoïaque, où Karlson excelle à faire de chaque visage un suspect ; il faut dire que le mal est partout, dans une petite ville tenue par un tueur débonnaire, dans une banque ou même dans le bureau du procureur. Partout la corruption, la surveillance. Eddie se débat dans une toile d’araignée savamment tissée et comprend tardivement qu’il ne maîtrise rien, qu’il est « un chien attaché à une laisse ».
On regarde ce film comme en apnée, happé par les péripéties d’une logique implacable : le scénario est brillant, qui allège les temps morts et va à l’essentiel, délaissant même l’explication initiale (les frères ont tué Carmine, on ne saura pas pourquoi). Seul importe le parcours d’Eddie, magistralement interprété par l’élégant Richard Conte, qui est de quasiment tous les plans. Et si Karlson maintient la violence hors-champ le plus souvent, elle n’en est que plus âpre quand elle apparaît (la torture de Gino, révélée dans l’univers feutré de Kubik), ou même quand elle est suggérée.
Il faudrait citer un grand nombre de séquences qui frappent par leur efficacité et leur beauté : le noir et blanc sied bien à ce monde sombre dans lequel où que l’avion atterrisse, le mal est déjà présent. Mais on aura compris que, encore une fois si l’on excepte la toute fin, concession au studio, ce film tendu et nerveux est une excellente surprise même pour ceux qui connaissaient au moins L’inexorable enquête ou On ne joue pas avec le crime, eux aussi exhumés par Sidonis. On attend donc avec impatience d’autres noirs de cet auteur méconnu en France, mais loué par Scorsese.
Les suppléments :
Bertrand Tavernier dit son amour de cette adaptation américaine de Simenon (« la meilleure ») et n’émet des réserves que sur la fin imposée : il loue l’interprétation de Richard Conte, la réalisation « astucieuse » de Phil Karlson et les originalités du scénario (25mn). François Guérif poursuit l’indispensable réévaluation du film en analysant quelques séquences, sans éviter de petites redites (9mn). Enfin Patrick Brion reprend les compliments sur ce noir « carré », l’admiration du comédien principal, le rôle de Trumbo et ajoute une information, l’existence d’un remake. De plus, sa courte histoire du genre ne manque pas d’intérêt (10mn). À quoi s’ajoute la bande-annonce.
L’image :
Restaurée avec soin, la copie brille par ses contrastes ; si la définition est parfois légèrement prise en défaut, rien qui puisse gâcher notre plaisir.
Le son :
La VO est nettoyée, sans souffle ni parasites et le dialogue est d’une belle limpidité. On sera un peu plus réservé sur la VF, qui n’a cependant rien de catastrophique.
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